Deux superbes manuscrits des Épitaphes sont conservés à Pau. Tous les deux proviennent du fonds Jean Labbé. Ce disciple collectionneur les a fait relier à Paris, selon son habitude :

Ms 439 : manuscrit autographe signé suivi du texte imprimé et de neuf lettres manuscrites, en particulier à Louis Rouart.

Ms 440 : manuscrit autographe signé, plus tardif. Les titres ont été ajoutés.

 

Pau : Ms 439

Très bel ensemble constitué de vingt-cinq feuillets autographes (23 ff. ; dim : 20,5 x  19 précédés de 2 ff. ; dim : 29,5 x 19), souvent datés, toujours signés, suivis du texte imprimé à l’Art catholique, 6 place Saint-Sulpice, à Paris en 1921, avec un frontispice et des ornements dessinés et gravés sur bois par Robert Bonfils. Reliure et emboîtage réalisés par Adrien Lavaux à la demande de Jean Labbé.

Ms439 / Consulter le document sur Pireneas

L’ensemble est précédé d’un « Poème pour le jour des Morts », recopié par Madame Ginette Francis Jammes, le 28 juin 1942, à Hasparren. L’épouse du poète a ajouté la mention suivante sous le poème qu’elle a recopié : « Ces deux pages manquant dans le manuscrit de la plaquette éditée à l’Art catholique en 1921 sous le titre d’Épitaphes, je les ai copiées sur ce texte qui – je l’ajoute – sera réuni au volume ultime et posthume de poésies de Francis Jammes que le Mercure de France publiera prochainement. ».

Âgé de quarante-six ans en 1914, Francis Jammes ne fut pas mobilisé lorsque la guerre éclata. Mais, dès le mois de décembre, le maire d’Orthez – M. Lacrouts – lui demanda de devenir administrateur de l’« Ambulance » installée dans l’Asile protestant (l’actuelle Maison de retraite Jeanne d’Albret). Francis Jammes consacra beaucoup de son temps aux blessés : il leur parlait, leur faisait la lecture, écrivait des lettres à leur place, les invitait parfois chez lui, les réconfortait de toutes les manières possibles.

Ambulance, Asile protestant, 1917 / Fonds Association F. Jammes, Orthez

Il participa d’une autre manière à l’effort de guerre : en prononçant plusieurs conférences en faveur des Ambulances d’Orthez mais aussi de l’Emprunt National ou des Villages libérés. En 1919, il rédigea l’appel au nom du comité pour l’érection d’un monument aux Orthéziens morts pour la France. Au préalable, il avait donné plusieurs articles aux journaux, en particulier pour rendre hommage aux nombreux écrivains et poètes (dont certains de ses amis) qui perdirent la vie lors du conflit. En plus des Épitaphes, il écrivit aussi des poèmes et des proses :


Cinq Prières pour le temps de guerre, une plaquette en prose parue en 1916.

Ambulances de Béarn et de Bigorre (P : Ms 270) devenu Provinciale durant la guerre (P : Ms 429).

Un chapitre de La Divine Douleur (pp. 162-167) évoque aussi l’Ambulance d’Orthez (voir P : Ms 448, Ms 453, Ms 454) : "Enfin, ces pauvres hères nous parvenaient, au bas du perron d'un vieux collège poétique où régnait, à l'intérieur, en ce temps tourmenté, une paix paradoxale."

Les vingt-cinq Épitaphes ont été composées entre le 29 juillet 1915 et 1916. Mais seulement dix-neuf d’entre elles ont été réunies dans la plaquette illustrée de 1921. Six avaient donc été abandonnées, dont trois au moins avaient cependant paru, entre le 25 octobre 1915 et le 10 novembre 1917, dans La Revue des Jeunes, dont le rédacteur était le R. P. Antoine-Gilbert Sertillanges. Les dix-neuf pièces parues à l’Art catholique ont été reprises en 1944 dans le volume Sources et Feux, puis dans OPC, pp. 819-832. Les six pièces abandonnées figurent parmi les « Poèmes inédits ou retrouvés » dans l’Œuvre poétique complète (OPC) de 2006 (pp. 1446-1449).

Voici, dans l’ordre du manuscrit, un peu différent de l’ordre définitif, le titre − presque toujours absent du manuscrit − des vingt-six « Épitaphes » composées en 1915 et 1916. En vert, les six pièces abandonnées :

01/ « Épitaphe d’un camelot » (29 juillet 1915).

02/ « Épitaphe d’un poète » (non daté).

03/ « Épitaphe d’un prêtre » (date ajoutée au crayon : juillet-août 1915).

04/ « Épitaphe d’un chimiste » (août 1915). [La Revue des Jeunes, 25-X-1915].

05/ « Épitaphe d’un maréchal-ferrant » (septembre 1915).

06/ « Épitaphe d’un architecte » (24 septembre 1915).

07/ « Épitaphe d’un agriculteur » (24 septembre 1915).

08/ « Épitaphe d’un vigneron » (non daté).

09/ « Épitaphe d’un aubergiste » (27 septembre1915).

10/ « Épitaphe d’un cocher » (5 octobre 1915).

11/ « Épitaphe d’un casseur de pierres » (octobre 1915).

12/ « Épitaphe d’un horloger » (oct. 1915). [La Revue des Jeunes, 10-XI-1917].

13/ « Épitaphe d’un berger » (octobre 1915).

14/ « Épitaphe d’un bûcheron » (13 novembre 1915).

15/ « Épitaphe d’un vannier » (non daté).

16/ « Épitaphe d’un géomètre » (novembre 1915).

17/ « Épitaphe d’un financier » (non daté). [La Revue des Jeunes, 10-XI-1917]

18/ « Épitaphe d’un antiquaire » (nov. 1915). [« Antiquaire » en bleu à droite].

19/ « Épitaphe d’un sculpteur » (1915 : date ajoutée à côté de la signature).

20/ « Épitaphe d’un bouvier » (janvier 1916).

21/ « Épitaphe d’un boulanger» (février 1916).

22/ « Épitaphe d’un chasseur» (février 1916).

23/ « Épitaphe d’un savetier» (8 février 1916).

24/ « Épitaphe d’un facteur rural » (mars 1916).

25/ « Épitaphe d’un charpentier» (février 1916).

Ms439 / Consulter le document sur Pireneas
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Pau : Ms 440

Le second ensemble comporte des manuscrits autographes signés (21 ff. ; dim : 30,5 x 20). Mais aussi des épreuves annotées (4 ff. ; dim : 20 x 13), deux feuillets avec tableau de concordance des manuscrits et de l'édition originale et deux feuillets biffés. Les manuscrits sont certainement postérieurs à celui du Ms 439.

Ms440 / Consulter le document sur Pireneas

Trois indices permettent en tout cas de le supposer. D’abord la présence des épreuves jointes au manuscrit. Ensuite l’ordre des vingt-cinq pièces : c’est l’ordre définitif, quoique les six poèmes qui seront abandonnés demeurent encore inclus dans l’ensemble. Enfin, écrit au crayon bleu, le titre figure en haut de chacune des vingt-cinq pièces, y compris des poèmes déjà imprimés.

La reliure et l’emboîtage ont été réalisés par Adrien Lavaux à la demande de Jean Labbé.

 

Jacques Le Gall