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Manuscrit autographe (4 ff. ; dim : 27,5 x 20), daté (« 1900 ») et signé. Encre et crayon. Donné, à Hasparren, par Mme Francis Jammes, à Jean Labbé, pour fêter son retour d’Indochine.
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« La pièce sans doute la plus précieuse de ce recueil », estimait Jean Labbé.
C’est en effet un manuscrit très émouvant, écrit sur place, d’abord à l’encre (les trois premiers quintils et les deux vers suivants), puis au crayon, sur le papier à en-tête de l’hôtel d’Amsterdam où Jammes passa une nuit lors de son voyage – ce fut le plus septentrional qu’il fit – en Hollande :
                     VICTORIA HÔTEL
                        E. Kauffmann
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                     Maison de 1er Ordre
                         En face de la Gare Centrale.
                     Lumière électrique.… Ascenseur.
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Le poème parut d’abord dans La Vie Nouvelle (Bruxelles) du 3 mai 1900. Les variantes par rapport au texte par la suite incorporé au Deuil des Primevères (OPC, pp. 312-313) sont assez nombreuses.
La dédicace à Émile van Mons (son portrait figure dans Les Caprices du Poète, p. 86) ne figure pas encore sur le manuscrit.
L’incursion en Hollande date des 27 et 28 mars 1900. Elle fit suite aux conférences que Jammes prononça à Bruxelles puis à Anvers sur « la simplicité en littérature ». Après avoir visité Bruges, « cette carillonnante cité, découpée comme une ombre chinoise » (Les Caprices du Poète, p. 81), le poète déambula de nuit dans les quartiers les plus bigarrés d’Amsterdam. Le lendemain, il poursuivit ses pérégrinations, lesquelles ne purent que favoriser son goût pour les ailleurs : ailleurs (dans l’espace) de l’exotisme, ailleurs (dans le temps) de la vie antérieure, ailleurs (dans la littérature) de Robinson Crusoé…
Le poème, s’il en était besoin, prouve que Jammes était fort capable de goûter autre chose que la paix d’Orthez ou des villages sans âge. Pouvait aussi l’enthousiasmer − aux antipodes d’une ville comme Genève, « qui est fade au possible » (Les Caprices du Poète, p. 51) − l’animation colorée et cosmopolite de villes comme Marseille au sud, Amsterdam au nord. C’est ainsi qu’une page des Caprices du Poète (pp. 85-86) jumellera Amsterdam et Marseille :
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Amsterdam, quelle estacade, pour un grand rêveur ! S’y confondent le ciel et les canaux, les mâts et les branches, les îles tropicales et la ville septentrionale, l’Inde et la Chine, le Mogol et l’Occident… S’y côtoient les gros négociants et les petits commis, les armateurs et les vendeurs à la sauvette, les trafiquants et les probes marchands, les juifs et les protestants, les bouges et les banques, les femmes et les fleurs, les filles et les pures jeunes filles, l’ordre et les désordres… S’y mélangent les aras et les harengs, les diamants et les détritus, les couleurs et les odeurs, les brumes et les bruits, les fruits et les fumées, les gestes et la geste rapportée par Defoe… S’y imbriquent en volume Jammes et Robinson Crusoé, la vie réelle et une autre vie :
« Amsterdam » semble annoncer certaines pages d’Apollinaire dans Alcools… Qui n’a pas lu et senti ce poème ne connaît pas Francis Jammes :
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Jacques Le Gall