C’est à la suite d’un héritage providentiel que « le Patriarche et son troupeau » purent s’installer à Hasparren, dans ce qui fut la dernière demeure du poète : Eyhartzea, (ou Eyhartzia) « la maison du meunier » en langue basque.

Eyhartzea, huile sur toile, 1954 / par Irène Kitter-Ferrus
La Maison Eyhartzea aujourd'hui / Fonds Association F. Jammes Orthez

 

La transaction put se faire grâce au père bénédictin Michel Caillava. Ce dernier présenta Francis Jammes à l’une de ses parentes, Madame Gille, née Lardapide (9 avril 1844-7 avril 1921), épouse d’un capitaine-adjudant major d’infanterie, décédé en 1900. Au printemps 1920, cette veuve sans descendance fit du poète son légataire universel, ce qui revenait à le rendre propriétaire de l’agreste et robuste maison ainsi que d’un domaine situé à Ayherre et qui comportait une métairie en plus des ruines du château de Belzunce. Madame Gille mourut accidentellement le 7 avril 1921.

Le 2 août, Madame Jammes et ses enfants quittèrent Orthez. Francis Jammes et sa mère arrivèrent le surlendemain, accompagnés du déménagement. « Eyhartzea était une maison carrée et solide, flanquée d’un côté par une grange, de l’autre par un parc aux dimensions modestes, mais charmant, qui descendait vers un ruisseau à goujons et ablettes. Les murs étaient habillés de glycines », écrit l’abbé Joseph Zabalo (2).

C’était la première fois que Francis Jammes avait un toit dont il était propriétaire. Sans doute souffrit-il quelque peu de le devoir à la charité d’une vieille dame et d’un moine plutôt qu’à son génie. Mais la maison pouvait assez commodément abriter les dix membres de la famille ainsi que les deux « bonnes » et le poète eut enfin un vrai bureau donnant de plain-pied sur le grand jardin.

Le bureau de Francis Jammes à Eyhartzea / Gilberte Loize, crayon, 1942l
Jardin d'Eyhartzea / Fonds Association F. Jammes Orthez

 

Francis Jammes habitera Eyhartzea durant les dix-sept dernières années de sa vie et se remit au travail sans tarder : dès le 25 août, il commença à composer la série des Quatrains qui vont paraître, entre 1923 et 1925, en quatre livres de LXV poèmes. C’est encore à Eyhartzea que Jammes écrivit, entre autres, Le Mariage basque (P : Ms132), Les Robinsons basques (P : Ms517), Le Roman comique d’Oyharçabal et d’América (O: Ms 215 et P : Ms 525), Ma France poétique (P : Ms528), Janot-Poète (P : Ms125 et P : Ms131). Mais aussi deux livres où il sanctifie la souffrance : La Divine douleur (voir Ms 448 à Pau) et Le Crucifix du poète (voir Ms 517 à Pau)

À partir de 1934, le « Patriarche » mena à Eyhartzea une existence volontairement recluse. En 1936, le Prix d’Aumale, d’une valeur de dix-mille francs, lui fut décerné par l’Académie. Cette année-là, Jammes publia Le Pèlerin de Lourdes (Gallimard) (P : Ms 518 et O : Ms 14b), Sources (O : Ms 71a et P : Ms520) ainsi qu’un recueil intitulé Dieu, l’Âme et le Sentiment (Gallimard). À la demande de Jean Paulhan, il commença aussi Les Airs du mois (O : Ms 214), journal poétique publié dans La Nouvelle Revue française et repris dans Le Patriarche et son troupeau (P : Ms129, 131, 431) après la mort de Jammes.

Jammes dans le jardin de la maison Eyhartzea / Fonds Association F. Jammes Orthez
Maison Eyhartzea : Jammes à sa table de travail / Fonds Association F. Jammes Orthez

 

Bibliographie : « Les Demeures de Francis Jammes », Bulletin de l’Association Francis Jammes, n° 15 (juin 1991).