Pau - Assat

(fin juin 1875 - mai 1876)

Jean-Baptiste Jammes naît à Orthez (Basses-Pyrénées) le 24 Floréal an V (13 mai 1797). Il obtient le grade de docteur en médecine à la Faculté de Montpellier. Sa thèse porte sur la Fièvre jaune d’Amérique. Le jour de Noël 1819, il arrive à la Pointe-à-Pitre à bord du Neptune. Il figure sur la liste des médecins de l’Almanach de la Guadeloupe de 1822. Il a deux enfants avec Antoinette Ferraton, une jeune créole elle aussi originaire du Béarn : Octave et Louis-Victor, le père de Francis Jammes. En septembre 1836, il revient à Orthez et confie ses enfants à ses sœurs huguenotes, Clémence et Célanire. En février 1843, il a une conduite exemplaire pendant le tremblement de terre de Pointe-à-Pitre. Ce cataclysme n’en entraîne pas moins sa ruine. Le 29 mai 1844, il affranchit sa jeune esclave (couturière) à qui il a donné le nom de "Célanire d’Orthez". Maire de Goyave (Basse-Terre), Chevalier de la Légion d’honneur, il meurt aux Antilles, à Goyave le 12 janvier 1857 sans avoir revu la Métropole.

 

Cimetière de Goyave, à la Guadeloupe où reposent les grands-parents paternels de F. Jammes / Consulter le document sur Pireneas
Eglise de Goyave, à la Guadeloupe où reposent les grands-parents paternels de F. Jammes  / Consulter le document sur Pireneas

Cimetière de Goyave, à la Guadeloupe où reposent les grands-parents paternels de F. Jammes

Francis Jammes fait son portrait dans Ma fille Bernadette :

La figure ronde et rose, les cheveux en brosse arrondie et noirs comme les courts favoris, les yeux bleus sous des lunettes d’or, le nez et la bouche petits et bien faits, un peu trapu, il charge son fusil non loin de l’habitation de planches que surmontent les plumeaux des cocotiers. Il tue un ramier qu’il met dans sa carnassière. Et le souffle de la mer lui apporte l’odeur de la cuisine des noirs.
Il y a une tempête. Le voici maintenant sur une chaloupe. Il va au secours d’un navire en danger et le sauve.
Il y a un tremblement de terre, beaucoup de maisons s’effondrent sur les habitants de la Pointe-à-Pitre à midi quand les fourneaux sont allumés. Il ampute des bras et des jambes.
Il se dévoue lors d’une épidémie de choléra.
Il a la croix d’honneur.
Mais que lui importent la chasse, la saveur épicée des mets et ses actes de courage récompensés ? Sa compagne charmante est morte en rentrant à la Guadeloupe, malgré tous les soins qu’il lui a fait donner à Paris, malgré l’habileté des chirurgiens. Il est seul, ses enfants sont en France au collège. Son cœur est malade et il pense avoir trouvé, pour en accélérer ou ralentir les battements, le jus de la verveine.

Ma fille Bernadette, pp. 211-212

Jean-Baptiste Jammes, vers 1836

Jean-Baptiste Jammes, vers 1836
(miniature sous cadre d’ébène, 80 x 60 mm)

 

Tiré de cette miniature, un autre portrait du grand-père paternel figure dans un texte que Jammes écrivit pour le Supplément littéraire à la Gazette médicale de France (P : Ms 452/40). Rehaussé de touches marines ou exotiques, il donne à entendre, pour finir, les battements d’une montre dont la chaîne dit assez que les hommes – quoi qu’ils aient pu faire – demeurent esclaves du temps qui passe et de leur cœur souffrant :

Voici, sur un fond d’azur léger, ce front droit et large, tout hérissé de cheveux abondants relevés en brosse, légèrement ondulés comme certains lichens ; les courts favoris serpentent jusqu’aux fines lèvres de corail au-dessus desquels on distingue la trace bleue du rasoir ; ces sourcils volontaires comme les miens, ces yeux d’océan cernés de massives lunettes d’or, ces oreilles minces et nacrées comme des coquilles ; ce nez charnu, sensuel, bien établi ; ces joues que la santé colore ; ce menton d’un ivoire arrondi, ressortant des pointes de la chemise qui débordent la cravate solennellement enroulée ; ce plastron neigeux et plissé, aux boutons d’or carrés, encadré par le gilet de soie brochée comme l’aile de certains lépidoptères nocturnes ; cet habit qui semble supprimer les épaules tant sa chute est oblique et concave jusqu’aux manches ; la chaîne de la montre qui a compté les pulsations de ces mondes mystérieux et souffrants que l’on appelle des hommes.

 

Jusqu’à la fin de sa vie, Jammes fera de cet aïeul le prototype de l’homme secourable et malheureux, exotique mais exilé. Ainsi, dans Les Airs du mois, marque-t-il d’une pierre blanche le 24 juin 1937 : "Saint Jean-Baptiste. Fête de mon arrière-grand-père J.-B. Jammes, docteur-médecin, mort à la Guadeloupe".

Ms452/ Consulter le document sur Pireneas
Ms452 / Consulter le document sur Pireneas

 

La dernière pièce du Livre des Quatrains (OPC, p. 911) a également été consacrée à ce grand-père, si lointain et si proche :

 

L’AGONIE DE L’AÏEUL

Ce temps exista donc que, si loin de la France,
Vous aviez tout perdu de ce que vous aimiez.
Ô cœur, île déserte ! À toutes vos souffrances
N’ont répondu que Dieu, la mer et les palmiers.

Eglise de Goyave, à la Guadeloupe où reposent les grands-parents paternels de F. Jammes