Marguerite

(1866-1930) - la sœur

Portrait de Eugène Carrière. Image extraite de Eugène Carrière, peintre et lithographe/ par Elie Faure/ Paris, H. Floury/ 1908 – Bibliothèque Patrimoniale de Pau, cote C5616

 

Né à Gournay le 16 janvier 1848. Il commença à travailler, dès sa quinzième année, chez un lithographe de Strasbourg nommé Émile Lemaître. À vingt ans, il gagne Paris et entre à l’École des Beaux-Arts, dans l’atelier de Cabanel. Engagé volontaire lors de la guerre de 1870, il est fait prisonnier et interné à Dresde. Libéré en 1871, il reprend son métier de lithographe industriel mais s’oriente peu à peu vers la création artistique. À partir de 1890, il participe à de nombreux Salons et fréquente des écrivains comme Mallarmé, Samain, Verlaine…

Outre son goût pour la poésie, Eugène Carrière partageait avec Francis Jammes une solide amitié pour Raymond Bonheur. Par ailleurs, la santé de sa femme le conduisait à passer l’hiver à Pau. C’est là, en décembre 1895, qu’il rencontra Jammes pour la première fois, chez le graveur Paul Lafond. Bien des rencontres suivirent, à Abos (lors du mariage de Charles de Bordeu), à Paris (en 1900, chez Arthur Fontaine) et bien sûr à Orthez (été 1901)… Il a réalisé les huit culs-de-lampe qui illustrent l’édition des mélodies composées par Raymond Bonheur sur des Huit Poésies de Francis Jammes. Ce dernier lui a consacré un article paru dans Paris-Journal (15 avril 1910), repris dans Feuilles dans le Vent (1913).

Il lui a aussi dédié le poème « Voici le grand azur… » daté de 1897 (De l’Angélus de l’Aube à l’Angélus du Soir, OPC, pp.174-177). C’est l’un des très longs poèmes du recueil, avec ses enfants à « bas couleur de cerise » et ses fraîches jeunes filles « plus fraises que la fraise au fond du ravin bleu », avec ses « vaches d’or » et ses « cochons d’argent », son « âne aux dents jaunes » et ses « bœufs au front barré », avec sa « mairie carrée » et sa vieille horloge « qui retarde toujours même lorsqu’elle avance », avec sa « daüne montée sur une grande mule » et ces humbles parmi lesquels va « le facteur rural », avec ses vivants et ses morts, ses chants et ses danses, avec Flore et Marbot, Nice et Li-Ti-Pu qui sont les chiens et le chat du poète, avec « le châle guadeloupéen » de la grand-mère et la petite chaise du père à sept ans « alors qu’il traversait les étoiles des mers », avec « le gave vert » et Orthez « aux obscures fenêtres », « et les brebis avec le chien et le berger ». Le poème se termine par une prière où s’exprime, dans toute sa force et sa simplicité, le lyrisme de Francis Jammes :

Laisse-moi, ô mon Dieu, m’agenouiller à terre.
Je veux te célébrer en pleurant dans mes mains.
Si je suis malheureux, c’est que c’est un mystère :
tu as consolé Job souffrant sur le purin.

 

La Bibliothèque Patrimoniale de Pau conserve (Ms 452/09) un très beau manuscrit de quatre pages de ce poème. Selon Bernadette Jammes et Jean Labbé, il pourrait être de la main de Mamore, le premier grand amour de Jammes.

La médiathèque Jean-Louis Curtis d’Orthez conserve quant à elle (Ms 116) le premier jet partiel (avec variantes) du manuscrit d’un portrait d’Eugène Carrière dédié à Charles Morice. Ce portrait, complété et modifié parut en tête de la partie intitulée « Quelques hommes » dans les très franciscaines Feuilles dans le vent, au Mercure de France en 1913 (pp.175-181). On pourra le confronter au texte paru dans Paris-Journal du 15 avril 1910.

Ms116 / Consulter le document sur Pireneas

 

Dans La Terre de Béarn (p. 102), Charles de Bordeu fait un beau portrait d’Eugène Carrière : de « sa tête léonine », de ses gestes et de son parler, de « sa bonhomie puissante » et de « son esprit terrible », de « l’air de génie qu’il avait ». Eugène Carrière est mort prématurément, à Paris, le 27 mars 1906, des suites d’une intervention chirurgicale.

 

« La voix de Carrière venait parfois du cœur.S’pas ? »

(Feuilles dans le Vent, p.181)