Alexis Leger (Saint-John Perse)

(1887-1975)

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Issu d’une famille protestante française exilée en Amérique au XVIIème siècle, Francis Vielé-Griffin est né à Norfolk, État de Virginie, le 26 avril 1864, et mort à Bergerac, le 11 décembre 1937. Poète de l’École symboliste et théoricien, avec Gustave Kahn, du vers-libre.


Il aiguilla Francis Jammes en direction du Mercure de France au temps de la plaquette Vers de 1893. Jammes le rencontra lors de son premier voyage à Paris en 1895. Plus tard, c’est Vielé-Griffin qui se rendit à Orthez (il lui fut donné un makila) puis à Hasparren. S’ensuivit une correspondance (publiée). En 1897, il fut le dédicataire de La Naissance du Poète que publia Le Coq rouge, revue bruxelloise dirigée par Eugène Demolder. Au préalable, Jammes lui avait dédié « Voici les mois d’automne… » (De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir, OPC, p. 149) :

 

VOICI LES MOIS D’AUTOMNE

À Vielé-Griffin

Voici les mois d’automne et les cailles graisseuses
s’en vont, et le râle aux prairies pluvieuses
cherche, comme en coulant, les minces escargots.
Il y a déjà eu, arrivant des coteaux,
un vol flexible et mou de petites outardes,
et des vanneaux, aux longues ailes, dans l’air large,
ont embrouillé ainsi que des fils de filet
leur vol qu’ils ont essayé de rétablir, et
sont allés vers les roseaux boueux des saligues.
Puis les sarcelle, jouets d’enfants, mécaniques,
passeront dans le ciel géométriquement,
et les hérons tendus percheront hautement ;
et les canards plus mols, formant un demi-cercle,
trembloteront là-bas jusqu’à ce qu’on les perde.
Ensuite les grues, dont la barre a un crochet,
feront leurs cris rouillés, et une remplacée
par une autre, à la queue, ira fendre à la tête.
Vielé-Griffin, c’est ainsi que l’on est poète :
mais on ne trouve pas la paix que nous cherchons,
car Basile toujours saignera les cochons,
et leurs cris aigus et horribles s’entendront,
et nous ferons des monstres de petites choses…

Mais il y a aussi la bien-aimée en roses,
et son sourire en pluie, et son corps qui se pose
doucement. Il y a aussi le chien malade
regardant tristement, couché dans les salades,
venir la grande mort qu’il ne comprendra pas.
Tout cela fait un mélange, un haut et un bas,
une chose douce et triste qui est suivie,
et que l’homme aux traits durs a appelé la vie.

 

Jammes considérait cet intime de Mallarmé comme un vrai poète (qui eût peut-être dû s’exprimer en anglais) et comme un véritable ami (quoique trop attaché aux honneurs et d’une maladive susceptibilité) :

13 novembre [1937]. – J’apprends, par ma femme qui vient d’ouvrir un journal, que Francis Vielé-Griffin est mort. Je veux ici rendre à sa mémoire un hommage auquel il a droit car in n’y eut pas, dans cette génération symboliste qui précéda immédiatement ce que, pour m’amuser, j’appelai le Jammisme, de poète plus poète que lui : ni Mallarmé, ni Henri de Régnier, ni Moréas. Il fut le seul à savoir manier un vers libre très personnel, très rythmé, très savant, qui s’accorde parfaitement avec sa lyre dont les cordes ont la résonance, sans longues ondes de l’airain. Il ne tricha jamais avec la prosodie, pas plus qu’avec le sentiment religieux, amoureux ou naturiste. Il s’apparentait aux Grecs qu’il traduisait, je crois, à livre ouvert et, aussi, à la Renaissance. De nobles sujets l’inspirèrent : les joutes olympiques, les jardins de Touraine et l’héroïsme de la primitive Eglise. […]

Le Patriarche et son troupeau. Les Airs du mois, pp. 197-198

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Bibliographie : Correspondance de Francis Jammes avec Vielé-Griffin. Introduction et notes de Reinhard Kuhn, Genève, Librairie Droz, 1966.