Albert Samain

(1858-1900)

Manuscrit autographe (1 f. ; dim : 21 x 16,5), non signé, non daté. C’est Madame Barbey qui l’a donné à Jean Labbé en 1950. Et c’est elle qui a inscrit, au verso du poème, à l’encre violette, les circonstances de ce toast en vers.

Ms452/05 (Pau)
Ms452/05 (Pau)

Ce poème reprend le toast que Jammes prononça au mariage de Madeleine Raymond, fille de l’archiviste départemental des Basses-Pyrénées, Paul Raymond, et de Louis Barbey (1870-1930).

Il d’abord a paru en juillet 1950 dans la revue Biblio. Puis dans OPC, p. 1356, sous le titre : « Un jour un chevalier… ». Sans doute ce titre et l’argument du poème rappellent-ils les fonctions du père de Louis Barbey : il était directeur de haras.

Les Barbey résidaient à Castétis. Le poème-toast inaugure une rime Castétis/myosotis que Jammes fera souvent chanter : dans Les Géorgiques chrétiennes (Chant IV, p. OPC, p. 708), dans Rayons de miel (« Si tu descends du Nord », OPC, p. 626), dans Ma France poétique (« Orthez », OPC, p. 916), dans la dédicace à Louis Barbey du Roman du Lièvre… À vrai dire (mais le myosotis n’est-il pas la fleur du souvenir ?) chaque fois qu’il évoquera ce petit village tout proche d’Orthez où il sera souvent invité, comme en témoigne ce fragment de L’Amour, les Muses et la Chasse (pp. 201-204) que Proust affectionnait :

Le seul résultat sensible de mon voyage en Algérie fut que j’en revins avec les yeux bleus, ce qui fit pousser des exclamations à ma mère et à ma sœur quand elles me virent descendre de la diligence à Estang, pays de mon beau-frère. Il ne fallut pas moins de six mois pour que le ciel du Sahara consentît à me délivrer de ses myosotis.

Une rime à ces fleurs charmantes naît tout naturellement dans mon esprit, appelle un charmant village des environs d’Orthez : Castétis. Je m’y rendais souvent chez des amis, les Raymond-Barbey, qui possédaient la propriété la plus estivale qu’il m’ait été donné de parcourir. En juillet, c’était, au-dessus des froments mûrs et des bois d’ombre, une vaste aspiration du ciel bleu. […] Le ruisseau qui traversait le parc était bourré de myosotis, et le promeneur retrouvait avec délices, le long des berges, adoucie et réfléchie, l’incandescente lumière que son regard ne pouvait fixer longuement au-dessus de lui. J’ai passé avec les amis qui me recevaient là, des jours charmants. J’y ai vu de longues et souples jeunes filles cueillir des fleurs et jouer aux grâces. Leurs yeux sous les charmilles, bleus ou noirs, luisaient comme des scarabées sur des roses ou d’un blanc mat. Oh ! Comme il a neigé sur nous depuis lors ! Mais voilà ce qu’on ne dit pas, ce qu’on n’a jamais dit, ce que l’on n’ose pas dire, encore que chacun le pense : « J’étais si jeune que je ne le savais pas. » Vieille société de province, je t’aime malgré tes faibles, je t’aime pour le fond chrétien de tes femmes, pour ces pudeurs qu’elles savent garder et qui les gardent. Aux débauchés que parfois nous étions, elles offraient je ne sais quoi d’indéfinissable qui commande le respect et que connaissent tous les fils de famille : ce quelque chose dans la lumière du front et dans le pli droit de la robe.

 

 

Jacques Le Gall