Ms218 (Orthez)

Un Jour (1895)

Manuscrits autographes, signés. « Un âne » : 4 ff. (dim : 31 x 19,5) de premier jet avec nombreuses ratures. « Une bécasse » : 6 ff. (mêmes dimensions), passablement raturés, au verso desquels Jammes a porté des corrections. Quelques variantes par rapport au texte imprimé. Ces deux manuscrits ont été acquis de Loize en 1948. « Conclusion » : manuscrit autographe, signé, non daté, sans doute recopié par Jammes. Acquis en août 1952.

« Un âne »

« Un âne » : article destiné au Figaro, qui ne le publiera pas. Gaston Calmette, le directeur-gérant de ce journal, dut céder à la ricanante pression exercée par certains rédacteurs, dont Jules et Léo Claretie. Jammes s’en plaindra dans une lettre à Gide du 9 avril 1903 (Correspondance Jammes – Gide, lettre n° 168, p. 203) : « Le plus ennuyeux, c’est qu’ils ont une page de moi qui est une de mes belles choses, qui s’appelle Un âne, qu’ils n’insèrent point, et que je ne peux arriver à me faire rendre ».

Ms452/29 (Pau)

On sait la prédilection de Jammes pour les ânes. Ce très écologique moteur à chardons le conduisit à écrire bien des poèmes. Ainsi « L’âne des rameaux » et « L’âne battu » parurent-ils dans la revue L’Occident (la revue fondée par Adrien Mithouard) de juin 1905 ; « L’âne de Sancho Pança », « L’âne du jardinier », « L’âne savant », « L’âne de Béatrix » et « Conclusion » dans Vers et Prose de juin-août 1905.

Ce réjouissant ensemble de sept péans fut réuni sous le titre « Quelques ânes » à la fin d’un petit recueil en prose : Pensées des Jardins (Mercure de France, mars 1906). Il est repris dans OPC, pp. 1228-1233.

« Une bécasse »

« Une bécasse » : ce texte, contrairement à « Un âne », a paru dans le Figaro (le dimanche 25 janvier 1903). Son incipit ? « Je suis une bécasse. » Ensuite, fidèle à ce « je » audacieux, Jammes continue de parler à la place de l’oiseau, avant de quitter le « salon » du petit animal et de retrouver la « chambre » où il médite amèrement : « Et moi j’envie la petite bécasse, et son bon sens et son bonheur ».

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« Une bécasse » sera repris dans Pensées des Jardins (Mercure de France, mars 1906) sous le titre « Méditation sur une Bécasse » (pp. 151-160), mais pas dans les « Méditations » (au nombre de vingt) sur lesquelles s’ouvre le recueil Feuilles dans le Vent (1914). Repris aussi dans le Bulletin de l’Association Francis Jammes, n° 7, juin 1986, pp. 8-11.

Ce texte vaudra à Jammes l’admiration (ironique ou pas) de Gide dans une lettre de décembre 1904 (Correspondance, lettre n° 187, p. 225) : « […] Et je t’admirais certainement d’oser paraître ridicule, au point de sembler le faire exprès (je revois spécialement l’article commençant par ”Je suis une petite (sic) bécasse… ”), mais je songeais au conte où le rossignol, ayant un jour chanté dans un palais où jusqu’alors on n’avait entendu chanter rien que des oiseaux mécaniques, fut jugé fort mauvais chanteur et étranglé […] ».

« L’âne savant » (OPC, p. 1231) pourrait servir de réponse à Gide et… à tout lecteur mal intentionné. Tout comme le dernier quatrain de « Conclusion ».

« Conclusion » 

« Conclusion » : Le chiffre V figure en haut du chant. Ce sera le poème VII (conclusif conformément à son titre) dans Pensées des Jardins et dans OPC., p. 1233. Une variante, mineure, au premier vers du troisième quatrain.

Ms452/29 (Pau)

CONCLUSION

Petit âne mendiant et gris, plus désolé
que la carriole que tu traînes,
Ô toi qui n’en peux plus, ô toi qui n’en peux mais :
avoue que tu n’as pas de veine ?

Mais que t’importent quelques horions de plus ?
Ce n’est point tant pour la lenteur,
que parce que tu es toi, que l’on te distribue
ces coups de soulier sur le cœur.

Ô mon frère, espérons qu’à cette même source
où se mire le Paradis :
toi et moi nous boirons un jour une eau plus douce
que l’ombre de l’aulne à midi.

Nous raillerons alors ceux qui nous méprisèrent,
tous ceux qui ne comprirent pas
qu’il fallut du génie pour chanter ou pour braire
avec une certaine voix.

Mais j’ai bien peur, âne si finement poète,
que, même au ciel, près du Bon-Dieu,
les hommes en question ne demeurent des bêtes,
et que nous ne différions d’eux.

 

Jacques Le Gall