Ms5 (Orthez)

À Charles Guérin (mai 1898)

Cet acte de vente (1 f. ; dim : 25 x 17) a été donné à Jean Labbé par Maître Joubert, notaire d’Orthez, en août 1951. Il est daté (15 avril 1922) et signé.

Ms452/38-1 (Pau)

La vente du Choü, la petite métairie dont Jammes était propriétaire, à une demi-lieue d’Orthez, intervint lorsque le poète et sa famille durent quitter la petite ville béarnaise pour s’installer à Hasparren, en Pays basque. L’acquéreur s’appelait Jose Portaña.

Le poème « Quand verrai-je les îles… » (De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir, OPC, p. 170) a été écrit au Choü, en mai 1895. Il est chanté par Philippe Pistole sur une musique composée par Claude Arrieu (1903-1990), une élève de Paul Dukas, Georges Caussade et Roger Ducasse. Sur ce poème, on lira la lettre n° 68 que Jammes a adressée à Gide (Correspondance, p. 196 et p. 327).

La métairie, à l’orée de landes solitaires, apparaît à plusieurs reprises dans l’œuvre de Jammes. Elle est en particulier décrite dans le pénultième chapitre de Ma Fille Bernadette (pp. 261-264), intitulé : « La petite ferme dite ”Au Choü” » :

Sous un ciel bleu comme une plume de geai, quand le soleil suspend ses rayons de miel aux feuilles des aulnes et quand les champs de blé sont comme l’intérieur des lis, la petite ferme est fraîche. Elle est comme la niche du chien du Bon Dieu. Peut-être est-elle placée au milieu de la Terre, et que c’est là qu’habite la fidélité. Endroit sauvage ! À deux kilomètres, sur le chemin qui continue la rue Moncade, tu tournes à gauche. De là un chemin défoncé, tantôt défoncé, tantôt boueux tantôt friable, t’y conduit, à trois cents mètres. Les champs sont sur le versant d’un coteau qui s’incline de l’Est à l’Ouest. Au bas, un petit ruisseau les borne où de minces insectes patinent, projetant sur son fond blond leurs ombres en feuilles de trèfle. On les nomme des cordonniers à cause des mouvements qu’ils font. Recherche la noirceur de l’Été pour déjeuner là sur l’herbe en écoutant les maïs se froisser entre eux. En amont le ruisseau s’enfonce dans des terrains détrempés où croît en abondance le baume, cet arbuste coriace à l’odeur d’encens, et où l’on trouve çà et là des rosolis.

Lorsque je ne serai plus, dis-toi que par là je poursuivais les bécasses et que parfois cette solitude semblait lentement s’élargir et se refermer sous mon coup de fusil.

Le terrain qui se relève à l’Ouest au-delà du ruisseau est flanqué de légers bosquets. Une ferme, en face de la nôtre, le domine dans les vignes. C’est la propriété de Dabitou qui invoque, le verre à la main, le pacte cordial du voisinage ancien.

Sur la crête opposée serpente le chemin craquelé qui fait songer à la fable torride : Le Coche et la Mouche. Il surplombe des ajoncs épineux tout bourdonnants d’abeilles dans l’après-midi qu’ils endorment.

Vers le Sud une claire échappée en éventail rafraîchit l’âme. Une tour en ruine et des montagnes lustrées semblent parler d’un pèlerin du Ciel.

Pense à ce pèlerin, prie pour lui, ô ma Bernadette ! quand tu entendras la douceur du bétail respirer dans la pauvreté de l’étable.

Sans que son nom soit prononcé, la nouvelle inachevée Jonquille (P : Ms 452/28), recueillie dans Jeunes Filles (Le Club du meilleur livre, 1954), situe un pique-nique dans cette pauvre métairie.

À côté, chère au cœur de Jammes, sourd une source dont le poète dira qu’il ne savait d’où elle venait mais qu’elle était la « Seule eau possible offerte aux besogneux » : il la chantera dans le recueil intitulé Sources (O : Ms 71a).

 

Jacques Le Gall