Manuscrit autographe (1 f. ; dim : 31 x 20), signé, daté de novembre 1898. Encre. Nombreuses ratures. Acquisition Drouot, 6 décembre 1995.
Le poème a d’abord été publié au Mercure de France. Repris dans Prends nos vieux souvenirs, Paris, Éditions de l’Ancre d’Or, en 1947 (pp. 34-35). Et dans OPC, en 2006 (p. 341).
L’injonction « Allez, il faut partir » est répétée au début et à la fin des trois strophes. Elle s’adresse d’abord au berger :
Allez, il faut partir. Que les troupeaux qui bêlent
trépignent ; que les chiens inquiets les surveillent ;
que la flûte de buis résonne et qu’elle passe
et repasse au-dessous des lèvres du berger
et que son air s’évanouisse dans l’air léger.
Que les ânes noueux s’arrêtent, puis repartent
en remuant la queue sous leur échine dure
qui porte les bidons bossués et les hardes.
Que le berger aux yeux gris de fer, au nez dur,
grandi par la hauteur de son bâton de corne,
s’enfonce dans l’azur, dans le givre et dans l’ombre.
Allez, il faut partir.
L'injonction s'adresse ensuite au métayer :
Allez, il faut partir. C’est le jour de marché.
Métayer, fais grincer le portail de la grange
où la brume froide de la nuit fait trembler
le poil roux des bestiaux qui agitent les chaînes.
Pose le joug grinçant au front des bœufs obliques.
Toi, femme prends les coqs, les œufs et les paniers.
S’il y a quelques nèfles, prends-les. Voici un lièvre
qu’a tué ton fils à l’affût. Prends-le aussi.
Toi, petite paysanne aux roses joues luisantes,
aux petits yeux bleus, mets de la pommade à la rose.
Mets tes bas violets, ta broche en verre et pose
à ton chignon ton mouchoir de soie bariolé.
Allez, il faut partir.
Enfin, le même appel s’adresse à un endeuillé anonyme :
Allez, il faut partir. Sur la table massive,
pose la nappe, et puis va prendre une assiette.
Mets-y de l’eau bénite et du noir laurier.
Mets deux cierges près du lit et le Christ de cuivre.
Allez, il faut partir.