Manuscrit autographe (2 ff. ; dim : 21 x 16,5), daté et signé. Encre. Des ratures, surtout sur le deuxième feuillet. Peut-être un premier jet. Acquis chez Matarasso en octobre 1951.
Le poème figure dans De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir (OPC, pp. 114-115). Une variante mineure avec un adjectif (« flasques ») ajouté : « La truie aux mamelles flasques et ridées » (vers 25). Comme d’habitude, la dédicace à André Gide ne sera ajoutée qu’au moment où Jammes corrigera les épreuves de son premier grand recueil. L’organisation des strophes va également changer.
Dans la grange, sur le sol, bossué, battu,
le char dormait avec des rameaux de chênes cassés
dans les joints de son bois boueux et fendu.
La batteuse au ronflement qui s’enfle avait cessé
de tourner au milieu des bœufs patients,
et des tas de débris minces jonchaient la terre.
Les poules du Bon Dieu qui sont les hirondelles,
et qui avaient leur nid sur la poutre, tombèrent.
Alors deux métayers, lents et adroits, sautèrent
sur d’autres et, avec des clous, fixèrent
au plafond un morceau de fer-blanc retroussé.
Ils l’emplirent de paille et y mirent les petits tombés.
Alors on vit la mère des petits oiseaux
glisser craintivement dans l’azur, en réseaux
allongés.
Peu à peu, elle arriva au nid.
Je m’étais assis près des herses et du soc qui luit,
et j’avais dans le cœur une tristesse tendre
comme si j’avais eu dans le fond de mon âme
un rayon de soleil où vole un peu de cendre.
Vinrent huit petits cochons extrêmement si jolis
qu’on eût pu les offrir à de petites filles.
Ils n’avaient pas plus de trois semaines,
ils luttaient entre eux, arc-boutés comme des chèvres,
et leurs très petits pas étaient précipités.
La truie aux mamelles flasques et ridées,
aux soies rudes, grouinait vers le sol, embouée.
La vie pauvre, par ce beau jour d’Été,
m’a paru revêtir toute sa dignité.
Le thème dominant, c’est ici − à travers la « vie pauvre » et la cohabitation des choses, des animaux et des hommes − celui (capital chez Francis Jammes) du Paradis perdu :
La vie pauvre, par ce jour d’Été,
m’a paru revêtir toute sa dignité.
Jacques Le Gall