Ms 452/01 (Pau)

Pochades I et II (circa 1888)

Manuscrit autographe (2 ff. ; dim : 34 x 22), non daté et non signé. Acquis par Jean Labbé chez Jean Loize au printemps 1949. S’appuyant en particulier sur l’apocope (« plui’ » au lieu de « pluie »), Jean Labbé datait ces deux sonnets des environs de 1888. Il ne s’agit-il pas d’un premier jet mais, sans doute, d’une copie.

Ces deux pièces, aux accents quelque peu rimbaldiens, semblent être les plus anciennes que l’on connaisse sur cette période bordelaise de Jammes. Elles ont été écrites en souvenir des années au cours desquelles Francis Jammes déambulait dans Bordeaux en compagnie de Charles Lacoste.

Ms452/01 (Pau)

Le premier sonnet évoque la première Muse du jeune poète. Celle dont il est question dans le poème n° 12 du carnet Moi (n° 7 dans OPC, pp. 1300-1301), poème qui – pour la première fois – introduit dans l’univers poétique de Jammes le thème nervalien et baudelairien de la vie antérieure :

À Bordeaux, je sais dans un vieux quartier vieux
une maison très très vieille : Oui, mes yeux
    ont vu la maison vieille.

Je ne sais pas quand – mais je sais bien qu’elle
a les mêmes carreaux d’un vert bouteille
    et des placards cirés.

Une jeune fille y reste : de près
je l’ai vue et je sais que je l’aimais –
    Bien avant cette vie.

Derrière d’éternelles vitres vertes, cette couseuse demeurera toujours nimbée de mystère : elle est appelée « la Bordelaise » au début et à la fin de L’Amour, les Muses et la Chasse, « Simone » dans un manuscrit de la page publiée par la Revue Blanche du 1er juillet 1898 et dans la plaquette de luxe intitulée Deux Femmes (Daragnès, 1943). Elle apparaît aussi dans Les Nuits qui me chantent (« Nocturne de la maison aimée », pp. 48-50) (P : Ms 275). Dans Les Caprices du Poète (p. 55), « le visage de l’enfant grave et pure que Bordeaux enveloppait de ses brouillards » s’efface, oblitéré par un « fantôme » ennemi : celui, « ardent et taciturne », de Mamore. On sait seulement que cette jeune fille habitait dans le quartier des Capucins, « rue Tristeret », précise le premier sonnet (et ce nom contient toute la tristesse de son mélancolique auteur).

Le manuscrit des « Pochades » avait été exposé à la Bibliothèque Municipale de Bordeaux en mai-juin 1960. Les deux sonnets ont été publiés par Michel Haurie, dans l’Œuvre poétique complète (OPC, pp. 1290-1291).

 

Jacques Le Gall