Manuscrit autographe de premier jet. Daté (décembre 1895), signé, écrit au crayon sur le recto et le verso d’un feuillet de petit format (dim : 19 x 14,5). Quatre ratures. Chiffre 3 au crayon rouge en haut du recto. Acquis chez Henri Matarosso (hiver 1949-1950).
Le poème, fort mélancolique, sera publié dans De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir (OPC, pp. 146-147) avec une dédicace à Marcel Schwob et une épigraphe de José-Maria de Heredia (« Va, tu sais que Gallus est un sage »), mais sans la date : décembre 1895.
Il s’occupe des travaux de la terre et taille
les haies, ramasse le blé et les figues qui bâillent.
Il a un pavillon dans sa vigne, et il goûte
le vin en bois aigre qu’il examine au jour.
Un lièvre lui mange les choux de son jardin
où quelques rosiers sont lourds de pluie, le matin.
Parfois on lui apporte un acte notarié,
un paysan, pour savoir comment être payé.
Il nettoie son fusil et couche avec sa bonne.
L’existence lui est douce, calme et bonne.
Il fit son droit jadis. Une photographie
nous le montre triste, pommadé et jauni,
à l’époque de son duel pour une femme.
Il tient un journal à la main et regarde
devant lui.
Quelques variantes à noter, en dehors de la composition même des strophes, en particulier dans le premier vers du quatrain suivant (la version définitive répétera « Que c’est triste ») :
Que tu es triste, que c’est triste,
je trouve, ce temps où on se nommait Évariste.
Le vieux père et la mère étaient au désespoir…
On avait surpris une lettre de femme, un soir.
Ce poème, à certains égards, peut-être considéré comme une préfiguration de Jean de Noarrieu (P : Ms 433). On notera aussi le substantif « existence » au début du dixième vers. Et le dernier quatrain :
Parfois, le matin, il s’essaye à un trombone
triste auquel est habitué sa bonne,
Il vit ainsi doucement, sans savoir pourquoi.
Il est né un jour. Un autre jour il mourra.
Jacques Le Gall