Professeur agrégé de philosophie. En 1909, il épousa la sœur d’André Siegfried qui lui donnera sept enfants. Il arrive à Pau en 1911 et s’installe rue d’Étigny. Nommé au lycée de cette ville, son rayonnement – intellectuel mais aussi spirituel – dépassa vite le cadre de sa classe. Amoureux des joies pures et des arts, il aimait parcourir les coteaux de Jurançon ou de Gelos et devint l’ami du peintre Hubert Damelincourt, du musicien Paul Maufret, du journaliste Henri Sempé, du chanoine Dubarat, de l'abbé Bremond... de Jammes et de sa famille. Léonard Constant sera le parrain de Françoise, la plus jeune des filles de Jammes, qui deviendra Sœur blanche de la Vigerie sous le nom de Marie-Maïtena, et Francis Jammes sera le parrain du fils posthume de Constant, prénommé Léonard en mémoire de son père.
En 1919, il accepta avec enthousiasme d’être nommé au lycée français de Mayence. Ce fervent catholique, républicain et social, très proche des idées de Marc Sangnier et du Sillon souhaitait, au sortir de la Grande Guerre, œuvrer au rapprochement franco-allemand. Le 23 octobre 1923, il fut mortellement blessé par balle en allant porter secours à un vieillard pris à partie dans une violente manifestation des séparatistes rhénans. Il mourut le lendemain, à l’aube. L’annonce de cette mort mit fin au début de guerre civile. Quarante mille personnes assistèrent à ses funérailles, en majorité des Allemands. En France, l’hommage parvint à réunir des personnalités des bords les plus opposés : catholiques de droite et catholiques de gauche, francs-maçons, communistes…
De Léonard Constant, croyant à la foi authentique et généreuse, auteur de nombreux articles, de textes de conférence et d’une Vie d’Henry du Roure, Jammes a tracé deux portraits : le premier dans un chapitre de La Divine Douleur intitulé « La mort d’un héros » :
Il avait une âme si sereine que son image me réapparaît dans la vallée heureuse où sont les blés. À Mayence, on a tiré sur lui comme il portait secours à un blessé durant une émeute allemande. Il avait l'indulgence d'un saint, la pureté d'un enfant.
Le second portrait se trouve dans un article de L’Écho de Paris qui sera incorporé au cinquième volume des Œuvres complètes.
En 1976, Jean Labbé a publié dans La Revue Régionaliste des Pyrénées la Correspondance inédite qu’entretinrent les deux amis. Elle a été reprise dans le livre que Georges Fauconnier a consacré à Jean Labbé en 2009. Ce bref échange épistolaire (sept lettres de Léonard Constant au poète, deux de Jammes au philosophe, cinq à sa veuve) présente deux intérêts majeurs : en premier lieu, chacun des deux correspondants y expose sa profession de foi politique et religieuse : si le philosophe se range nettement du côté du catholicisme social et républicain, le poète se situe à égale distance du Sillon de Marc Sangnier et de l’Action française et de Maurras ; on peut d’autre part observer que Jammes s’y livre, en toute modestie cette fois-ci, à un véritable mea culpa :
Je n’ai pas aimé Léonard Constant comme j’aurais dû.
La moindre de ses pensées méritait d’être méditée si longtemps ;
le moindre de ses exemples d’être si bien suivi ; le moindre (il était toujours grand)
de ses services d’avoir droit à ma reconnaissance, que je suis confondu depuis sa mort.
Je suis comme ces enfants à qui il faut une perte terrible pour s’apercevoir qu’ils sont des égoïstes.
(Lettre du 30 mars 1924 à Mme Léonard Constant)
Bibliographie : 1/ Abbé Plaquevent : Léonard Constant, Paris, Le Seuil, 1938. 2/ Père J.-P. Inda : Léonard Constant, universitaire et apôtre, Éditions du Cerf, 1988. 3/ Georges Fauconnier : Jean Labbé. Poète, écrivain, marin. Sa vie, son œuvre, préface de Georges Saint-Clair, Éditions Gascogne, 2009, pp. 449-464.
Jacques Le Gall