Manuscrit autographe (1 f. ; dim : 15 x 17,5), sans date, non signé. Encre. Sur papier spécial pour huissier. Quelques ratures. Acquis à Bruxelles par l’Association Francis Jammes (vente publique du 21 novembre 2003).
La citation inaugurale, extraite d’une lettre d’Honoré de Balzac à Madame Hanska, ne pouvait pas ne pas toucher Jammes qui la commente : « Il n’y a que les âmes méconnues qui sachent observer parce que tout les froisse et que l’observation résulte d’une souffrance ». Cette citation se trouve dans une lettre datée de la fin mars 1833 (Lettres à Madame Hanska (1832-1844), collection « Bouquins », Robert Laffont, 1990, tome I, p. 30). Jammes la modifie quelque peu : il supprime trois mots et en souligne quatre. Balzac a écrit : « il n’y a que les âmes méconnues et les pauvres qui sachent observer parce que tout les froisse et que l’observation résulte d’une souffrance ». Le romancier explique à sa lointaine correspondante que sa « grande puissance d’observation » vient de ce qu’il a « été jeté à travers toutes sortes de professions » et que son âme a partout souffert.
Jammes ne cite pas souvent Balzac. Certes, comme l’auteur de La Comédie humaine, il était doué de puissantes facultés d’observation. Mais il s’en distingue sous bien des rapports : pour ne prendre que cet exemple, il était loin de partager l’aversion de Balzac pour les jeunes filles.
Balzac apparaît tout de même dans quelques écrits de Francis Jammes, en particulier dans une lettre à Henri Ghéon datée du 4 mai 1919 : "Il faut, dit Balzac, aux cœurs blessés l'ombre et le silence" (Francis Jammes - Henri Ghéon. Correspondance 1897-1938. Établissement du texte, introduction et notes par Jean Tipy, Biarritz, J & D, 1988, p. 109). Dans cette lettre (elle parle de pénitence et de contrition), Jammes conseille à son ami, converti la veille de Noël 1915, de « laisser tomber ces initiales A. G. » et de ne plus revenir sur les aventures scabreuses qu’en divers pays (dont l’Algérie et l’Italie) il avait partagées avec André Gide. Jammes, comme bien d’autres (dont François Mauriac, Roger Martin du Gard ou Paul Valéry) avait lu avec beaucoup d’émotion le livre que l’engagé volontaire au titre de médecin aide-major avait écrit de septembre 1917 à janvier 1918 et qui parut à la N. R. F. en 1919 : L’Homme né de la guerre : Témoignage d’un converti (ce beau livre sera réédité chez Bloud & Gay en 1923).
Balzac fait aussi l’objet d’une intéressante étude graphologique (voir O : Ms 243) parue dans Le Manuscrit autographe n° 4 de juillet-août 1926 :
Honoré de Balzac : L’écriture appartient aux infiniment petits (hyperesthésie). Et il est vrai qu’il se sert d’un microscope et non, comme Zola, d’un télescope, pour les investigations intérieures. J’ai, sous les yeux, un autre document que cette page d’Eugénie Grandet publiée par Man. aut. Et c’en est une du Médecin de Campagne d’un caractère plus lisible et plus grand. Mais qui n’est qu’une copie de l’auteur et non comme l’autre un des premiers jets – sinon l’original. DE là le puissant intérêt de ce document du Man. aut. : Balzac y est tellement incorporé à son sujet qu’après la calligraphie amoureuse du titre (jusqu’à l’enfantillage) son écriture même tend à disparaître pour ne laisser place qu’à ses personnages. Il se donne tout entier et s’efface. Don prodigieux ! Il ne travaille pas à coups de documents comme Goncourt et les Naturalistes ! Il porte dans son cerveau et dans son cœur les cartons poussiéreux des études, les plans de campagne de Bonaparte, les marabouts de la Nucingen. Ces atomes d’encre s’accrochent et forment cet univers dont la Postérité s’effare. « C’est l’infini dans le sens de la division qui retourne à la matière première ».
Il me semble que je cite du saint Thomas. N’est-ce pas Maritain ?