Manuscrit autographe (11 ff. ; dim : 30,5 x 20), signé, non daté, folioté. Encre, crayon et crayon de couleur. Ensemble monté sur onglets, relié en un volume demi-maroquin rouge, coins, non rogné. En frontispice, lavis original de Jean Bergue (1896-1954) du 3 mai 1945 (non numérisé). Acquisition Drouot, 19 novembre 1987, par l’Association Francis Jammes.
Ce long poème en trois parties a d’abord paru dans le Mercure de France du 1er janvier 1910. Puis dans Œuvres II, Paris, Mercure de France, 1921, pp. 223-241. Enfin dans OPC, pp. 637-645. Sous le titre définitif suivant : « Tableau d’automne ».
Dans une lettre du 8 décembre 1909, Francis Jammes annonça à Raymond Bonheur que cette Élégie lui était dédiée. Ce dernier lui répondit le 9 janvier 1910 : « Vous avez retrouvé, sans y songer jusqu’à ce jour, le secret des anciennes complaintes de France si touchantes parce qu’elles sont pénétrées de l’odeur forte de la terre et votre éternel honneur sera d’avoir retrempé la poésie à ses sources naturelles, c’est par là que vous êtes unique et que vous vivrez jeune à jamais. » (Bulletin de l’Association Francis Jammes, n° 42, décembre 2005).
La première partie est composée de huit sizains d’alexandrins holorimes. Le poète-routier marche dans une vallée familière mais que l’automne étonne. Il observe et consigne ce qu’il voit. Parfois, brumes et brouillards effacent le paysage ou un village, les bêtes et les gens. À d’autres moments, un toit s’allume, « cerise comme un fer sur l’enclume », un vieux personnage émerge du gris qui glisse. Les branches d’un bois charbonnent, les platanes prennent une couleur tabac. Des vaches se suivent « comme des nuages sur la lune » ou « glissent comme une course de bateaux dans le lait du brouillard ». Or, tout ça parle. Le silence est plein de bruits : une grive se pose dans tout ce gris, des feuilles ruissellent sur les sentiers, le promeneur écoute le roulement de tambour d’un char, le piétinement des vaches, la course des moutons, la cloche d’une église.
Vallée qui me parles en silence, dont les vaches l’une
à la suite de l’autre comme des nuages sur la lune
glissent ! Seul un toit rouge dans ta grisaille s’allume
et l’horizon se couvre et se découvre. La brume fume
et voici tous les prés cachés, mais de nouveau se retire la brume
et le toit réapparaît cerise comme un fer sur l’enclume.
Le lendemain, la brume s’écarte et des blocs d’azur
nagent dans le soleil éclaboussé, et les verdures
sortent du bain fumant, et toutes les bordures
luisent, et les bois couleur de cuir et de pêche mûre
font danser le regard. Tout est lumière et mouillure.
Voici que grelotte en claquant des dents toute la nature.