Ce titre – Le Pèlerin de Lourdes – est déjà celui d’un chapitre de La Divine Douleur (pp. 168-173) qui paraît en 1928 chez Bloud & Gay. Francis Jammes ne pouvait pas ne pas l’élire, lui qui se définit souvent comme un pèlerin et pour qui Lourdes fut l’un des hauts lieux où souffle l’esprit.
Au milieu des années trente, Jammes reprend ce titre pour rassembler autour d’un pèlerin qu’il nommera Jean Escuyot divers textes en prose et en vers. Concernant Le Pèlerin de Lourdes qui sera publié en 1936 aux Éditions Gallimard, cinq documents sont conservés à Orthez : le Ms 14a, le Ms 14b, le Ms 14c, Ms 14d et le Ms 14e. Trois d’entre eux sont numérisés.
Ms 14b
Il s’agit d’un manuscrit (82 ff. ; dim : 27 x 21) du Pèlerin de Lourdes. Acquisition par l’Association Francis Jammes le 23 mars 1988.
Remarques :
Exergue à Leconte de Lisle : non publiée.
- pp. 12-13 du tapuscrit rayées par l’auteur : non publiées.
- p. 31 du tapuscrit : reproduite mais réduite (voir p. 45 de l’ouvrage publié).
- p. 48 du tapuscrit rayée par l’auteur : non publiée.
- pp. 74-78 du tapuscrit : reproduite dans l’appendice (pp. 173-176).
- pp. 94-95 de l’ouvrage publié : remplacées par 7 strophes d’un quatrain et un peu plus d’une page de prose.
- Le tapuscrit ne reproduit pas l’Appendice publié à la fin de l’ouvrage.
Ms 14d
Manuscrit autographe (68 ff. ; dim : 21,5 x 27,5 ou 43 x 27,5), non signé, daté des 5-6 mars 1936 et du 24 avril 1936 (St Fidèle). Encre, crayon et crayon de couleur. Don de Mengus.
Manuscrit de travail comportant de nombreuses variantes et auquel il manque quelques pages (dont les 19, 20, 25, 94 de l’édition de 1936). Contient 3 ff. qui semblent se rapporter au Pèlerin de Lourdes. Et aussi, sur papier gris, la table des matières de l’« Appendice au Pèlerin de Lourdes ». Cet « Appendice » contient huit textes : « Notes sur le Congrès eucharistique à Lourdes (1914) » (O : Ms 14c). « Le Triduum de Lourdes (1935). « Bernadette, patronne d’une école angélique ». « La Force de l’hostie ». « Poèmes récités à la grotte ». « Litanies de sainte Bernadette Soubirous ». « Le Cantique de Lourdes » (O : Ms 14d). « Le Fort de Lourdes » (O : Ms 14e).
Dans sa partie centrale, Le Pèlerin de Lourdes raconte – non sans tendresse et fantaisie – la journée d’un simple et serviable pèlerin nommé Jean Escuyot, natif de Tournay (comme il se doit), percepteur à la retraite (et veuf), fils d’un gendarme (à bicorne et souvent à cheval, même sur le règlement). Sans bourdon mais coiffé d’un melon, après trois jours de marche, le pieux piéton arrive le matin au centre de la rose des vents où Jammes situait Lourdes. En descendant vers la grotte, il cherche (sans le trouver) un porte-plume « où, en fermant un œil, on voit le portrait de Bernadette Soubirous » : il souhaiterait pouvoir l’offrir à Méniquette, la « fille de la veuve du forgeron Dufréchou », son amie, la petite infirme qu’il a dû laisser dans son plâtre à Tournay. Tout en bas, la grotte bourdonne d’Ave et de cantiques « en forme de lys ». Comme tout un chacun, Escuyot boit au « gobelet populaire », achète des cierges, prie à genoux sur la dalle de pierre, s’assoit devant la grotte. Il remonte ensuite en ville, y rencontre son ami Mazères, cause et déjeune. L’après-midi, au pied de la Vierge, les malades étendus sur leurs civières rappellent Méniquette au pèlerin qui se laisse emporter par la tonnante procession. Le soir d’été étend maintenant son grand manteau sur Lourdes. Escuyot fait son Chemin de Croix, casse la croûte au bord du gave, passe la nuit à l’Abri des Pèlerins. Au matin, il va prier devant la grotte puis, tel un nouveau Juif errant et chantant, s’en retourne à Tournay.
Vue de Lourdes, par Eugène de Malbo
Bibliothèque Patrimoniale de Pau, cote M1527
L’auteur des Trois B, le Commandant Duhourcau, pour le livre de qui Francis Jammes écrivit une préface (O : Ms 69), a bien raison de noter que le récit de cet allègre retour est « un morceau d’anthologie » (p. 235) : le déjeuner d’Escuyot, ses chants, le pays « à peine détaché du ciel par la fêlure des montagnes », la sieste sous des frênes, la pêche des écrevisses sous les pierres de l’Arros, l’arrivée à Tournay… Flanquée du chien Mouffetard, Méniquette accueille le pèlerin. Pendant que le bon pèlerin priait à Lourdes, elle a rêvé que sa mère pourrait la libérer de la gangue de plâtre qui la tenait prisonnière. Elle est debout, elle est guérie. Francis Jammes croyait aux miracles. Ainsi, pour lui, sa fille Marie était une miraculée de Lourdes.
Un autre manuscrit autographe concernant Le Pèlerin de Lourdes est conservé à Pau, sous la cote Ms 518. Il se présente sous la forme de feuilles volantes collées sur les pages d’un cahier rose que Jean Labbé a protégé sous un étui et un emboîtage de couleur bleue. Sur la couverture de ce cahier, on peut lire le titre des chapitres de l’ouvrage. Cinq seulement ont été développés, complètement ou partiellement : « La situation de Lourdes » (pp. 1 et 2) ; « La gare » (p. 3) ; « Les brancardiers » (pp. 4, 5, 6) ; « Le bon pèlerin Jean Escuyot » (p. 7) ; « Jean Escuyot » (pp. 8, 9, 10, 11). Ce manuscrit (au crayon) est donc partiel (11 ff.). Il n’est pas encore numérisé.
Ms 14e
« Le Fort de Lourdes » (1936) : manuscrit autographe (2 ff. ; 27,5 x 21,5), non signé, non daté. Crayon. Très raturé.
Ces deux pages (et douze paragraphes) constituent le dernier chapitre du Pèlerin de Lourdes (O : Ms 14b). Elles sont dédiées à Louis et Margalide Le Bondidier, créateurs et conservateurs du Musée pyrénéen abrité dans la « Tour d’Ivoire » du château fort de lourdes, ce « nid de roche démantelée », mais aussi « cette citadelle de Marie ». Le nom du pyrénéiste Russell (il est toujours amputé d’un « l » sous la plume de Jammes) apparaît, inévitablement, au paragraphe 7, dans le second feuillet du manuscrit.
Au premier plan, Louis et Margalide Le Bondidier en montagne
Collection Musée pyrénéen, Lourdes
Le tapuscrit correspondant à ce texte (1 f. ; dim : 27 x 21) n’a pas été numérisé. Il est incomplet et comporte de nombreuses corrections de Francis Jammes.
Dessin du Château-fort de Lourdes par Charles Jouas
Collection Musée pyrénéen, Lourdes
De naissance, les Le Bondidier à qui Jammes dédie son texte sont deux Lorrains que l’étincelle du pyrénéisme va embraser. Nommé à Campan (Hautes-Pyrénées) comme receveur de l’Enregistrement (ce fut donc, avec une génération d’écart, un collègue de Louis-Victor Jammes) Louis Le Bondidier et Margalide (son épouse, née Marguerite Liouville) commenceront par des excursions et des escalades en montagne, des campagnes photographiques et ethnographiques, des travaux concernant les traditions, les arts populaires et le folklore. À la suite d’accidents physiques (« crises d’hémoptysie » pour lui, entorse au genou pour elle), la haute montagne sera abandonnée et toute l’énergie consacrée à la création du beau Musée pyrénéen de Lourdes.
Louis Le Bondidier dessiné par Charles Jouas
Collection Musée pyrénéen, Lourdes
Bibliographie : 1/ P. Fayon : « Le Pyrénéiste intégral Louis Le Bondidier (1875-1945). Notes et souvenirs », Bulletin Pyrénéen, 1er trimestre 1947, n° 241, pp. 1-17 ; 2/ R. Ritter : « À travers l’œuvre de Louis Le Bondidier » suivi d’un « Index bibliographique », Bulletin Pyrénéen, 1er trimestre 1947, n° 241, pp. 17-28 ; 3/ Jacques Le Gall : « La Bigorre poétique de Francis Jammes », Bulletin de la Société Ramond, 152ème année, année 2017, Bagnères-de Bigorre, 2018, pp. 199-224.
Jacques Le Gall