Premières épreuves imprimées et corrigées (quelques notes autographes de l’auteur) du Triomphe de la vie et donc de Jean de Noarrieu. Elles sont dédiées « aux chers amis de Castetis », autrement dit à Louis et Madeleine Barbey.
Jean Labbé a fait relier ces 74 pages en maroquin chamois.
Commencé en juillet 1901, « dans une chaleur sourde », à Orthez, l’ample poème intitulé Jean de Noarrieu fut achevé en août, à Gavarnie, où le poète (accompagné de sa mère) était allé chercher la fraîcheur et où il rencontra le pyrénéiste Henry Russell. La rencontre fut amicale et amusante. Jammes brossera un pittoresque portrait du « seigneur du Vignemale » dans Les Caprices du Poète (pp. 133-137).
Jean de Noarrieu a d’abord paru dans L’Ermitage (six livraisons de juin à novembre 1901). Avant d’être publié au Mercure de France, en 1902, joint à Existences, sous un titre que l’on retrouve chez Giono, à l’article près : Le Triomphe de la Vie. Le poème a ensuite été repris dans l'Œuvre poétique complète (OPC, pp. 361-398). Jean de Noarrieu avait été illustré de 20 gravures à l’eau-forte par Marianne Clouzot, Paris, Lubineau, s. d. (1947).
Gravures à l’eau-forte par Marianne Clouzot. Bibliothèque Patrimoniale Pau, cote 71874R
Existences a été écrit alors que « le faune » était encore déchiré par sa rupture d’avec Mamore. Bourré de dépit et de ressentiment amoureux, plein de révolte et de sarcasmes à l’encontre des Orthéziens en particulier, de ses contemporains en général, ce texte n’en révèle pas moins tout un côté de Jammes : « le fauve », l’écorché vif qu’une image sulpicienne fait trop souvent oublier. Deux décennies plus tard, le mémorialiste des Caprices du Poète (pp. 118-119) reniera son brûlot et fera amende honorable :
Le vent de cette année-là dut être un peu fou. Il débusqua le fauve qui sommeille en moi. Je commis ce poème burlesque et satirique, auquel je donnai le nom d’Existences, et qui est « un acte de démence ». L’expression n’est pas trop forte, elle est d’un hôtelier de Biarritz. Sans que j’aie précisément visé personne dans ce poème, je peux dire que j’ai ridiculisé tout le monde de la petite ville et il faut bien, après vingt-deux ans, que j’adresse ici mes excuses aux Orthéziens.
Mais le fauve pouvait aussi apprivoiser sa colère, l’impulsif savait être un sage. Les plaies ne sont toujours pas cicatrisées quand Jammes écrit Jean de Noarrieu un an à peine après Existences. Or, ce long poème épicurien et païen est un modèle d’équilibre et de rondeur, d’abnégation, voire de résignation. Les Caprices du Poète (p. 132) confirment que Jammes n’a jamais renié les quelque deux cents sizains de vers décasyllabiques de Jean de Noarrieu. Sans compter que ce long poème administre la preuve que le poète était trop coriace pour le cabanon :
Je ne me défends pas du paganisme de cette idylle. Il est patent. Mais je remarque combien la composition et le rythme en sont équilibrés alors que je me trouvais, en les réglant, dans un moral des plus instables.
Jacques Le Gall