Manuscrit autographe, daté et signé, issu du fonds Jean Labbé. Les deux dates (30 janvier 1904… 6 février 1904) servent de titre. Le carnet de petit format (dim : 19 x 12) comporte 8 feuillets à petits carreaux sur lesquels l’auteur a soigneusement recopié ses textes en utilisant le recto et le verso. Peu de ratures et de corrections. Encre (et encre sur crayon pour le 30 janvier). Reliure ivoire avec titre manuscrit sur la couverture.
Ce document contient quinze textes : huit en prose et sept en vers (la dernière prose est dépourvue de poème). La prose se trouve sur la page de gauche tandis que le poème écrit à la même date est en regard sur la page de droite.
L’ensemble témoigne d’un souci de composition : d’une part parce que l’alternance prose/vers est régulière ; d’autre part parce que la première prose a été composée le 30 janvier, la dernière le 6 février et, qu’entre ces deux dates, Jammes écrit chaque jour, régulièrement, une prose et un poème (sauf le 6 février).
Les proses sont des paysages ou/et des pensées, en général fort mélancoliques. Elles sont semble-t-il inédites, ce qui accroît leur intérêt. La dernière de ces proses est un portrait, mais un portrait conçu comme un paysage. Les deux derniers mots, soulignés, induisent une méditation métaphysique :
Je regardais comme on regarde un paysage cette enfant à peine nubile, ronde comme une colline, âpre et verte comme une noix à la Saint Jean. Sur son front têtu de galet blanc, sa chevelure se dressait comme un morceau de roche qui a pris la courbe du flot qui la creuse. Les yeux étaient deux grosses gouttes d’eau de mer, les narines deux valves roses, la bouche une fleur de chair, une anémone de l’océan goulue, ouverte, couronnée de graviers blancs. Toute sa personne, dans cette robe trop courte qui la déformait disait : Je suis.
Quant aux poèmes, ils sont à mettre en relation avec le Ms 452/27 conservé à Pau mais aussi avec les Ms 199a et 199b conservés à Orthez. Cinq d’entre eux ont été repris dans Clairières dans le Ciel. Deux autres, inédits jusque là, figurent dans la dernière partie de l’Œuvre poétique complète (OPC) de 2006 :
1/ « Les bestiaux suivis par un enfant… » : 30 janvier 1904 (OPC, p. 1394).
2/ « Dans l’auberge fumeuse… » : 31 janvier 1904 (Clairières dans le Ciel, OPC, p. 559) . Voir un premier jet de ce poème dans O : Ms 199b.
3/ « J’ai déjeuné chez un ami… » : 1er février 1904 (Clairières dans le Ciel, OPC, p. 560). L’ami dont il est question n’est autre que Léopold Bauby, le Conservateur du Musée municipal de Pau, successeur de Paul Lafond à ce poste. Voir un premier jet de ce poème dans O : Ms 199b.
4/ « L’enfant lit l’almanach… » : 2 février 1904 (Clairières dans le Ciel, OPC, p. 560).
L’enfant lit l’almanach près de son panier d’œufs.
Et, en dehors des Saints et du temps qu’il fera,
elle peut contempler les beaux signes des cieux :
Chèvre, Taureau, Bélier, Poissons, et cœtera
Ainsi peut-elle croire, petite paysanne,
qu’au-dessus d’elle, dans les constellations,
il y a des marchés pareils avec des ânes,
des taureaux, des béliers, des chèvres, des poissons.
C’est le marché du Ciel sans doute qu’elle lit.
Et, quand la page tourne au signe des Balances,
elle se dit qu’au Ciel comme à l’épicerie
on pèse le café, le sel et les consciences.
5/ « Lorsque le soir venu… » : 3 février 1904 (OPC, p. 1395). Voir un premier jet de ce poème dans O : Ms 199b.
6/ « Ce sont de grandes lignes paisibles… » : 4 février 1904 (Clairières dans le Ciel, OPC, p. 561). Voir un premier jet de ce poème dans O : Ms 199b.
7/ « Je ne m’y trompe pas… » : 5 février 1904 (Clairières dans le Ciel, OPC, p. 561). Voir un premier jet de ce poème dans O : Ms 199b.