Manuscrit autographe (1 f. ; dim : 23 x 19,5), signé, non daté, chargé de corrections. Donné à Jean Labbé par Mme Francis Jammes, à Hasparren, en 1950. Le poème est reproduit dans le recueil posthume Prends mes vieux souvenirs (1948). Repris dans OPC, p. 340.
Jacques Ferrand, qui a illustré cet ouvrage, a réalisé une petite gouache (dim : 18,5 x 14) se rapportant à ce poème, gouache qu’il a dédiée à Jean Labbé. Le collectionneur a logiquement réuni le manuscrit et l’illustration.
L’atmosphère de ce poème (OPC, p. 340), la mort de la jeune fille de dix-sept ans… on ne peut pas ne pas penser à l’histoire toute proche de Clara d’Ellébeuse.
CE JUIN, VIOLET DE FLEURS
Ce juin, violet de fleurs bourdonnantes, me ramène
au calme souvenir d’une morte légère.
J’ai peur de n’être ni assez bon, ni assez pur
pour dire que ses yeux étaient comme des mûres
et que cette douceur que l’homme a nommée l’âme
flottait légèrement sur ses petites tresses.
Elle avait dix-sept ans, comme disent les poètes,
et, chaque fois que j’ai posé une caresse
sur son front lumineux, veiné de bleu et calme,
elle a paru heureuse de se sentir aimée.
Les haies étaient fleuries d’humides violettes.
Je lui en cueillais. Avec une tige mince
elle les attachait, soigneuse, et le bouquet
s’arrondissait, épais, frais et rond, dans sa main.
Et de son petit cœur simple elle remerciait
le Dieu qui fait fleurir les jolies violettes
et qui leur a donné, dans sa grande bonté,
pour que nous les cueillions un frais parfum modeste.
Parfois quand nous passions dans un village, au soir,
quand les maisons ont l’air de vieilles à genoux,
à l’heure où les vaches lentes viennent de boire
et que l’eau coule de leur mufle tiède et doux,
elle entrait un moment dans la petite église
pour demander à Dieu des grâces inconnues.
Elle savait que Dieu est le Maître absolu
qui donne le bonheur dans les chapelles grises.
Il lui a donné la Mort. Ses amies ont pleuré.
Des métayers ont porté jusqu’au cimetière
un petit paquet blanc comme un panier de fleurs.
La mère était restée dans son lit et le père
a su ne pas pleurer en se mordant les lèvres.
Et moi, par ce beau jour, je pense doucement
à la mort docile et sans cause de cette enfant.
Jacques Le Gall