Ms 452 (Pau) : de 1903 à 1938

 

Deux manuscrits autographes, écrits (encre) à Hasparren :

1. Un brouillon, folioté, signé, comportant six feuillets (dim : 27,5 x 21,5), acquis de Loize au printemps 1949.

2. Un manuscrit daté de Hasparren 1924 et signé. Lui aussi folioté, il se compose de huit feuillets (dim : 27,5 x 21,5) et a été acquis chez Saffroy en 1951. Beau graphisme.

Ms452/40, première partie (Pau)
Ms452/40, deuxième partie (Pau)

Le premier texte, de premier jet, a été présenté à une exposition littéraire dite « L’exposition des Antilles heureuses » organisée par le libraire Jean Loize en juin-juillet 1945 dans une galerie parisienne de l’avenue des Champs-Elysées (au n° 27). Un catalogue avait été réalisé pour cette exposition. Y figure la miniature de Jean-Baptiste Jammes dont il est question dans le second texte.

Le second texte, retravaillé et intéressant, dédié au docteur Neumann, était destiné au Supplément littéraire à la Gazette médicale de France, où il fut effectivement publié. Cette revue mensuelle était dirigée par les Professeurs Marcel Labbé et Lardennois.

Francis Jammes, par égotisme et pour mieux rendre hommage aux médecins en général, y évoque la mémoire particulière de son grand-père paternel, Jean-Baptiste Jammes, docteur à la Guadeloupe :

Ô mon aïeul ! docteur à la Faculté de Montpellier, qui êtes enseveli aux Antilles,
dans ce cimetière de la Goyave où le soleil en fusion émaille le colibri et l’orchidée,
je vous dédie ces pages où j’honore les médecins.

Église et cimetière de Goyave / Consulter le document sur Pireneas

Une miniature peinte en 1836 – l’une de ces « choses » avec lesquelles il croyait possible « un échange mystérieux d’affinités » (« Des Choses », Le Roman du Lièvre, p. 222) – lui sert tout de suite de précieux objet transitionnel :

Pour le contempler de plus près je détache du mur votre image chérie,
cette miniature sur ivoire où se lit au verso :
Jean-Baptiste Jammes, docteur-médecin à La Pointe-à-Pitre,
Guadeloupe, à ses sœurs Clémence et Célanire, le mois de septembre 1836,
lorsqu’il vint en France.
Il y aura bientôt un siècle.

Jean-Baptiste Jammes, vers 1836

Portrait Jean-Baptiste Jammes, vers 1836
(miniature sous cadre d’ébène, 80 x 60 mm)
Fonds Association F. Jammes, Orthez

De cette miniature, Francis Jammes tire un portrait physique somme toute assez ressemblant. Ce portrait complète celui déjà esquissé dans Ma fille Bernadette (pp. 211-212), et le rehausse de touches marines ou exotiques avant de prolonger le mystère par l’évocation d’une montre comptable du temps qui passe comme du cœur des hommes :

Ms452/40 (Pau)

Voici, sur un fond d’azur léger, ce front droit et large, tout hérissé de cheveux abondants relevés en brosse, légèrement ondulés comme certains lichens ; les courts favoris serpentent jusqu’aux fines lèvres de corail au-dessus desquels on distingue la trace bleue du rasoir ; ces sourcils volontaires comme les miens, ces yeux d’océan cernés de massives lunettes d’or, ces oreilles minces et nacrées comme des coquilles ; ce nez charnu, sensuel, bien établi ; ces joues que la santé colore ; ce menton d’un ivoire arrondi, ressortant des pointes de la chemise qui débordent la cravate solennellement enroulée ; ce plastron neigeux et plissé, aux boutons d’or carrés, encadré par le gilet de soie brochée comme l’aile de certains lépidoptères nocturnes ; cet habit qui semble supprimer les épaules tant sa chute est oblique et concave jusqu’aux manches ; la chaîne de la montre qui a compté les pulsations de ces mondes mystérieux et souffrants que l’on appelle des hommes.

Puis, l’écrivain rend compte de la thèse sur la fièvre jaune d’Amérique, soutenue par son aïeul devant la Faculté de Montpellier le 7 août 1818. Après avoir recopié les « dédicaces sentimentales dans le goût de l’époque » qui ornent ce « Tribut académique », il en fait un résumé fort complet. Parlant des méthodes dites aujourd’hui prophylactiques préconisées par le médecin de la Pointe-à-Pitre, il se demande si nos méthodes modernes ont apporté quelque chose de vraiment nouveau.

Enfin, après avoir décrit la vie toute de dévouement du médecin de campagne de jadis, parcourant la contrée par tous les temps, passant la nuit près de ses accouchées, des enfants en péril et des mourants, il conclut fièrement :

Quoi qu’il en soit, j’affirme ici la légitime fierté
que j’ai à me prévaloir d’une telle ascendance :
après le prêtre que je vénère entre tous les hommes est le médecin.

 

Jacques Le Gall