Manuscrit autographe (1f. ; dim : 31 x 20), signé, daté (septembre 1898). Encre. Page numérotée au crayon en haut à droite : XXI. Acquis de Chavaray, par l’Association Francis Jammes, le 9 avril 1986.
Sans atteindre des sommets, ce poème dit bien l’angoisse qui longtemps tenailla le jeune Jammes. La douleur est l’un des grands thèmes du jammisme : « Ô mon Dieu, détruisez la douleur », peut-on lire au commencement de la deuxième strophe. Le corollaire de cette douleur, ce fut – alternativement – la tentation de la révolte (première strophe) ou la quête d’un Paradis entrevu dans l’enfance, mais perdu (troisième strophe). « Converti », ou plutôt revenu à la foi de son enfance, le poète choisira définitivement de sacraliser la douleur, d’où La Divine Douleur, en 1928 (P : Ms 448, 453, 454). Pour l’heure, parce que le jeune Jammes ne séparait pas le « frisson des femmes amoureuses » du « regard méfiant des bêtes amoureuses », la dernière rime de cette dernière strophe n’est pas seulement riche sur le plan de la prosodie… Mais voici les douze premiers vers de « Prière pour demander l’apaisement » :
Mon Dieu, mon cœur est mal et vraiment je ne sais
d’où vient, à de certains moments, cette horreur triste
qui pèse sur le monde et sur mon cœur serré.
Que ce soit un mendiant qui sur la place grise
fait danser d’une vielle en deuil un chien tremblant ;
que ce soit le mouton qu’on mène à l’abattoir ;
que ce soit une mère qui traîne son enfant
vers le père qui est tombé sur le trottoir ;
que ce soit un cheval étripé qu’on recoud
et vers qui le taureau refuse de marcher ;
mon cœur pour tout cela, mon Dieu, gémit vers vous
car un immense amour le fait se révolter.
Le Ms 452/14 conservé à Pau contient, entre autres pièces, le manuscrit de onze des Quatorze Prières publiées (hors-commerce) chez Faget à Orthez, en 1898, ainsi que huit autres Prières (5 sous forme de manuscrit, 3 de tapuscrit). La « Prière pour demander l’apaisement » figure dans l’un de ces trois tapuscrits :
La « Prière pour demander l’apaisement » a été publiée pour la première fois dans l’Œuvre poétique complète en 2006 (OPC, p. 1376).