Ensemble de manuscrits autographes, le plus souvent signés et datés. Encre, crayon et crayon rouge. Le manuscrit des « Prières » I à VII, XI à XVI, XIX et XX a été acquis chez Loize, en décembre 1953. Le manuscrit de la « Prière » XVI a été acquis chez Matarasso, en octobre 1951. Le manuscrit de la « Prière » XVIII a été acquis chez Loize, le 9 mars 1954.
Dans cet ensemble, il faut distinguer deux sous-ensembles :
1/ Celui qui donnera les Quatorze Prières, qui ont été publiées en juillet 1898 chez Faget, à Orthez, sous forme d’une plaquette hors-commerce. On notera que cinq de ces « Prières » ont aussi paru en revue : trois dans la Revue Blanche du 15 août 1898 (VII, XIII, IX) et deux dans L’Ermitage de septembre 1898 (II et I). Les Quatorze Prières ont finalement constitué la dernière partie du Deuil des Primevères (1901).
2/ Reste le second sous-ensemble de pièces. Dans Francis Jammes, sa vie, son œuvre, Robert Mallet avait donné une liste de huit « Prières » inédites. Une autre « Prière » a été retrouvée, ce qui donne les Neuf Prières publiées par Michel Haurie dans OPC (pp. 1369-1378).
1/ Le premier sous-ensemble comporte le manuscrit de onze « Prières ». Le format est toujours le même : 31 x 19,5. Les poèmes, écrits à l’encre à l’exception de l’un d’entre eux, sont numérotés au crayon rouge en haut. Le titre (sauf pour la « Prière » XII) a été écrit au crayon, en haut et en marge, en oblique. Il a été donné ultérieurement à la rédaction des poèmes :
- « Prière » I : « Prière pour que les autres aient le bonheur » (juin 1898, signée, encre).
- « Prière » II : « Prière pour demander une étoile » (Fête Dieu 1898, signée, encre).
- « Prière » III : « Prière pour qu’un enfant ne meure pas » (non datée, signée, encre). Cette « Prière » a été mise en musique par Henri Février (1875-1957). Cet élève d’André Messager, puis de Massenet et de Gabriel Fauré, a écrit, en 1908, trois mélodies inspirées par les « Prières » de Jammes. L’interprétation est ici celle du ténor Philippe Pistole.
- « Prière » IV : « Prière pour avoir la Foi dans la forêt » (juin 1898, signée, encre).
- « Prière » V : « Prière pour être simple » (juillet 1898, signée, encre), un manuscrit de cette Prière est conservé à Orthez sous la cote Ms 165.
- « Prière » VI : « Prière pour aimer la douleur » (non datée, signée, encre). Cette « Prière » a été mise en musique par Henri Février.
- « Prière » VII : « Prière pour que le jour de ma mort soit beau et pur » (15 juillet 1898, signée, encre).
- « Prière » XI : « Prière pour avoir une femme simple » (juillet 1898, signée, encre). Cette « Prière » a aussi été mise en musique par Henri Février.
- « Prière » XII : « Prière pour offrir à Dieu de simples paroles » (non datée, non signée, 2 feuillets écrits au crayon, le titre occupe sa place habituelle en haut du poème).
- « Prière » XIII : « Prière pour être simple » (juillet 1898 signée, encre). Dans Le Deuil des Primevères, le titre deviendra : « Prière pour avouer son ignorance ».
- « Prière » XIV : « Prière pour un dernier désir » (juillet 1898, signée, encre).
Manquent donc 3 « Prières », peut-être les plus célèbres :
- « Prière » VIII (« Prière pour aller au Paradis avec les ânes »).
- « Prière » IX (« Prière pour louer Dieu »), un autre manuscrit de cette Prière est conservé à Orthez sous la cote Ms 165.
- « Prière » X (« Prière pour se recueillir »).
2/ Le deuxième sous-ensemble comporte le manuscrit autographe de cinq « Prières » et le tapuscrit de trois autres :
- « Prière » XV : « Prière pour accepter une douleur nouvelle ». Manuscrit (1 f. de plus petit format : 20 x 15,5), non daté, non signé. Sans doute s’agit-il d’une mise au propre exécutée par Francis Jammes.
- « Prière » XVI : « Prière pour se dépouiller de la vanité poétique ». 2 versions. La première est une mise au propre à l’encre sur un feuillet de petit format : 20 x 15,5. La seconde (1 f. ; dim : 31 x 19,5), raturée, est sans doute antérieure. Elle est datée et signée.
- « Prière » XVIII : « Prière devant un beau paysage » (2 ff. ; dim : 27 x 20 et 31 x 19,5) est datée de septembre 1998, et signée. Encre.
- « Prière » XIX : « Prière pour obtenir le Paradis terrestre ». Ce manuscrit (1 f. ; dim : 31 x 19,5) est également daté de septembre 1898 et signé. Encre. Très raturé.
- « Prière » XX : « Prière pour mourir aimé des jeunes filles ». Manuscrit (1 f. ; dim : 31 x 19,5) daté de septembre 1898, signé. Encre. Nombreuses ratures.
Il manque donc le manuscrit de la « Prière » XVII (« Prière pour pardonner une offense »). Il est conservé à Orthez sous la cote Ms 231.
Les trois tapuscrits (dim : 27 x 21) ont pour titre :
- « Prière pour demander l’apaisement » (non daté, non signé). C’est la médiathèque Jean-Louis Curtis d’Orthez qui conserve sous la cote O : Ms 6 le manuscrit signé, daté (septembre 1898) de cette « Prière ». Acquisition Chavaray, 9 avril 1986.
- « Prière pour être prêt à pardonner » (non daté, non signé).
- « Prière pour être pareil à un pauvre » (septembre 1898, non signé).
En 1898, le souvenir de Mamore obsède le poète. Ce sont ce souvenir et la douleur qui fécondent les Prières écrites pendant l’été. « Assurément je ne veux pas dire que vous pourrez penser sans regret à l’amour que vous venez de sacrifier, et à celle qui l’a inspiré ; mais le regret même vous dictera les accents émus et émouvants qui sont la vraie beauté de l’art, et que peut seule exhaler la détresse d’un cœur saignant ; et ainsi la douleur vous mettra à votre vraie place, bien au-dessus des poètes dont s’enorgueillit notre époque neurasthénique », lui a écrit son ami le musicien Henri Duparc, le 8 avril 1898. « Je pense à vous, au chagrin que vous avez et que je vous souhaite (comprenez-moi) de garder plutôt que de guérir. L’amour qui souffre est si préférable à l’oubli ! », confirme Charles Guérin le 20 juillet. Oui, Francis Jammes souffre et cherche une consolation en partageant sa douleur et en l’élevant vers Dieu. L’auteur des Prières voudrait, tout simplement, que les autres, tous les autres − hommes, enfants, bêtes et plantes − fussent heureux :
Donnez à tous tout le bonheur que je n’ai pas
Le style des Prières n’est pas bien éloigné de celui qui prévalait dans De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir. Il paraît cependant comme plus maîtrisé : l’alexandrin domine (il est vrai assoupli), les images disent en toute limpidité la souffrance et l’espérance, la pitié et la fraternité. Le poète n’en est pas encore à diviniser la Douleur, mais le sentiment religieux est profond sinon orthodoxe. L’inspiration est souvent chaste et passionnée, par exemple dans « Prière pour mourir aimé des jeunes filles », titre en forme d’alexandrin parfait (comme De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir).
Il existe quelques autres « Prières », écrites jusqu’au début 1899, que Jammes ne jugea pas bon de retenir.
Jacques Le Gall