je porte dans mon cœur
comme dans un coffre impossible à fermer tant il est plein,
tous les lieux que j'ai hantés,
tous les ports où j'ai abordé,
tous les paysages que j'ai vus par des fenêtres ou des hublots,
ou des dunettes, en rêvant,
et tout cela, qui n'est pas peu, est infime au regard de mon désir.
Alvaro de Campos (Fernando Pessoa)
Francis Jammes n’est certes pas un bourlingueur.
Une incursion écourtée en Algérie en 1896, le pèlerinage en Provence au pays de sa mère et sur les traces de Jean-Jacques Rousseau en 1899, la Belgique et Amsterdam en 1900, des visites à Bucy-le-Long (le pays de sa femme) et Villeneuve-sur-Fère (le pays de Paul Claudel), à Lassagne (le pays de Georges Dumesnil) et à Luneville (le pays de Charles Guérin) : voilà les principaux voyages qu’il fera. À quoi on peut ajouter quelques allers et retours à Paris entre 1895 et 1937 ou à Fontarabie dans la dernière partie de sa vie.
Pour l’essentiel, le biotope du poète reste circonscrit à la Bigorre natale et au Béarn, aux Landes et à Bordeaux, au Pays basque et à l’Espagne la plus proche (jamais plus loin que Burgos).
Mais un grand rêveur – fût-il sédentaire – peut faire tenir son univers dans un timbre-poste, surtout quand un sang créole coule dans ses veines. Très sensible au génie du lieu, l’imagination à la fois rustique et exotique de Francis Jammes lui a permis de peindre et de réinventer des villes et des villages, des demeures et des maisons, des îles et des lointains intérieurs aussi bien qu’antérieurs.
Les villes et villages
Maisons et demeures
Cimetières
La mort, comme l’amour et la prière, constitue l’un des grands thèmes de l’œuvre de Francis Jammes. Les cimetières y sont donc assez présents. En premier lieu celui des aïeux antillais :
C’était la tombe de ses grand-père et grand-mère,
dans les Antilles bleues, fleuries de tabacs roses,
là-bas où l’Océan comme une vitre luit,
noir comme le feuillage et vert comme la nuit.
Clairières dans le Ciel, « L’Église habillée de feuilles »
Mais, tout aussi bien, celui d’une vieille paysanne anonyme, comme dans « L’Église habillée de feuilles » :
Et lorsque le cercueil dans le clair cimetière
eut été recouvert, par les paysans, de terre,
ceux-ci, marquant la fin de l’œuvre solennelle,
formèrent sur la fosse un faisceau de leurs pelles.
À la fin de sa vie, Jammes éprouva le besoin de recenser les lieux où reposaient ses parents et amis : Orthez, Pau, Navarrenx-Jasses, la Provence, Cadalen et Albi, les Antilles, le Gers, Hasparren, Labastide-Clairence et Vitailles, Soissons, Abos, Biarritz, Bordeaux. Dans ce recensement, Jammes n’oublie presque personne, ni l’humble Graciette (enterrée à Pau) ni Léo Latil (mort à la guerre, sans sépulture connue)…
Le carnet sans date (mais il doit avoir été écrit après août 1937) se termine par deux feuillets intitulés : « Moyen de prier nommément pour les morts et pour les vivants » et par un dernier feuillet qui ne contient qu’une phrase qui pourrait être un titre : « Les pèlerins des âmes ».
Le manuscrit autographe (15 ff.) est désormais conservé à la Médiathèque Jean-Louis Curtis d’Orthez [Ms 256, Orthez]
Souviens-toi, quand, enfant, au pied du vieux et doux mur d’un
cimetière, tu t’agenouillais, au Jubilé, avec ta mère.
Un Jour
La tombe de la famille Jammes à Hasparren

août 1921 - 1er novembre 1938
L’enfant avait vécu trois ans à Saint-Palais, le jeune homme et l’adulte excursionnèrent souvent au Nord et au Sud de l’Eskual Herria, le « Patriarche » va passer les dix-sept dernières années de sa vie à Hasparren. Blotti au pied du mont Ursuya ...

"Je me laissai présenter au Cercle"
Dès son arrivée à Orthez, il comprit qu’il devrait accepter et même rechercher la quotidienne fréquentation de personnages (aux deux sens du terme) qui, pour n’être ni des phénix ni des poètes, n’en seraient pas moins « fortifiants ».

décembre 1888 - août 1921
Atteint de maladie cardiaque, le père de Francis Jammes comprit qu’il ne tarderait pas à mourir et demanda à être enterré à Orthez. Sa veuve et ses deux enfants quittèrent donc Bordeaux pour cette petite ville au charme mélancolique.

Mars 1880 - décembre 1888
Personne ne peut nier l’importance qu’eurent pour Francis Jammes les périodes bigourdane, béarnaise et basque. En Bigorre, l’enfant de Tournay fut bien le père de l’homme et du poète ; le pèlerin de Lourdes cheminera et priera ...

mai 1876 - novembre 1879
Le 1er mai 1876, Louis-Victor Jammes est nommé à Saint-Palais. C’est le premier contact de Francis Jammes avec le Pays basque. Toute la famille se retrouve dans ce chef-lieu de canton de 1697 âmes, situé au confluent de la Bidouze ...

fin juin 1875 - mai 1876
De Tournay, le jeune Francis alla assez souvent rendre visite à ses grands-parents maternels, Augustin et Éléonore Bellot, qui habitaient à Pau. Certains fastes de la royale cité le marquèrent dès ce moment-là, dont un défilé de chars descendus des ...

2 décembre 1868 - fin juin 1875
Tournay, donc. Une ancienne bastide du XIVème siècle, sur les bords de l’Arros dont le cours sinue entre les peupliers. Un bourg paisible en belle vue du Pic de Midi de Bigorre. À l’exception du séjour à Bordeaux, Francis Jammes aura toujours ....

4 août 1921 - 1er novembre 1938
C’est à la suite d’un héritage providentiel que « le Patriarche et son troupeau » purent s’installer à Hasparren, dans ce qui fut la dernière demeure du poète : Eyhartzea, (ou Eyhartzia) « la maison du meunier » en langue basque.

décembre 1888 - août 1921
C’est tout enfant, alors qu’il habitait encore à Tournay, que Francis Jammes a découvert la « vétuste et poétique demeure familiale » des deux grands-tantes huguenotes, Clémence et Célanire :

mars 1880 - décembre 1888
Après les trois années à Saint-Palais, la famille Jammes déménagea à Bordeaux où le père fut nommé Receveur des actes des Huissiers le 12 mars 1880. Dans cette ville, Francis Jammes n’eut qu’une adresse, mais l’immeuble ...

mai 1876 - novembre 1879
Le principal séjour à Pau dura un peu moins d’un an. Le 1er mai 1876, Louis-Victor Jammes fut nommé à Saint-Palais, au Pays basque, et loua pour sa famille la maison Loubet, rue de la Bidouze ...

fin juin 1875 - mai 1876
De Tournay, le jeune Francis Jammes avait eu, à plusieurs reprises, l’occasion de se rendre à Pau où habitaient – 3 passage Serviez (aujourd’hui rue Alexandre Taylor) – ses grands-parents maternels, Augustin et Éléonore Bellot.

1 décembre 1868 - fin juin 1875
Après avoir exercé sa profession (Receveur de l’Enregistrement) à Ribiers (Hautes-Alpes), Hagetmau (Landes) et Villeréal (Lot-et-Garonne), Louis-Victor Jammes, père du poète, est nommé à Tournay (Hautes-Pyrénées).