Manuscrit autographe constitué de trois cahiers d’écolier :
Cahier I, de couleur orange : 24 ff. ; dim : 22,5 x 17,5.
Cahier II de couleur mauve : 16 ff. ; dim : 22,5 x 17,5, signé, daté. Encre.
Cahier III de couleur verte : 34 ff. ; dim : 22 x 17). Encre et crayon.
Pour étonnant que cela puisse paraître, Francis Jammes s’intéressa beaucoup à la graphologie. Il y fut conduit par sa chère botanique : il est vrai que les deux activités font appel à l’observation et à la classification, deux domaines dans lesquels il excellait. Dès septembre 1898, il étonna les « beaux esprits » invités comme lui par Gide au château de la Roque-Baignard : « Durant une quinzaine mes analyses et mes synthèses furent magnifiques. Les échantillons épistolaires que l’on m’apportait donnèrent lieu à la surprise, à l’effarement, à la terreur même », s’enorgueillira-t-il en 1926. Le 28 janvier 1910, il écrit à son ami Gabriel Frizeau qu’il vient de recevoir un livre de graphologie. De fait, Francis Jammes avait lu les deux ouvrages qui faisaient autorité à son époque : Système de Graphologie, de l’abbé Jean-Hyppolyte Michon et surtout Traité pratique de Graphologie, étude du caractère de l’homme d’après son écriture, de J. Crépieux-Jamin.
Malgré tout, bien qu’il se montre attentif à des indices reconnus (la signature comme « racine d’une lettre », l’inclinaison, la liaison, le trait qui barre les t, les rapports de taille…), Francis Jammes demeure un graphologue à part et il n’est pas sans se moquer des graphologues de métier, de leurs émules ou des ignorants « qui se croient la science infuse – comme du tilleul ». À la science graphologique telle qu’il la conçoit et la pratique, il veut sans doute donner de la vérité mais aussi et surtout de la vie. Il ne se prive donc pas d’inventer des familles graphologiques fleuries, « iridées » ou « gladiolées » par exemple. Il spécule aussi sur des écritures qu’il qualifie de commerciales, de mystiques, de « capillaire »… Que d’images, que de trouvailles verbales ! Les « Portraits graphologiques » réalisés par Jammes sont d’un moraliste chrétien, d’un critique poète et d’un ironiste invétéré. Le portraitiste considère que l’écriture révèle un caractère mais ajoute à l’image que reflète selon lui ce miroir diverses irisations toutes personnelles. Ce qui donne des leçons poétiques et catoptriques tout à fait singulières.
Quant aux « types » retenus, ce sont majoritairement des écrivains qu’il admire (Mallarmé, Balzac, Baudelaire, Rimbaud, Hugo, …) ou qu’il méprise (Zola), des proches (son père, sa mère), des amis (Hubert Crackanthorpe, Henri Duparc, Francis Vielé-Griffin, Eugène Carrière, Charles Lacoste, Raymond Bonheur, Charles Guérin, Albert Samain, Paul Claudel…), mais aussi des hommes publics (Lyautey, Foch, Gambetta, Jaurès, Clemenceau...). Au total, à notre connaissance, Francis Jammes a réalisé, plus ou moins développés et argumentés (Baudelaire), parfois réduits à une phrase-couperet (« Ferdinand Brunetière : Écriture en ressort de pince-nez » ou « Élémir Bourges : Type d’une écriture sans caractère, amoureuse, qui a l’air de traduire une traduction »), 168 portraits parfois éblouissants, tels ceux de Verlaine ou de Pascal, de Baudelaire ou de Claudel. Quant à Gide, l’hôte du château normand de 1898, il n’est pas épargné : « Une longue ficelle noircie d’encre, et qui n’en finit plus : le fil d’Ariane dans le Labyrinthe littéraire ».
La plupart de ces « Portraits graphologiques » ont paru en 1926 et 1927 dans Le Manuscrit Autographe. Fondée et dirigée par Jean Royère (1871-1955), poète, essayiste, également fondateur de La Phalange en 1906, cette revue était éditée à Paris par le libraire Auguste Blaizot. En plus de ses « Portraits graphologiques », Francis Jammes, ami de longue date de Jean Royère, a donné nombre de Chroniques (O : Ms 41) Le Manuscrit Autographe. Plusieurs de ces « Portraits » et une intéressante « Préface » appartenant au Ms 243 étaient restés inédits avant d’être publiés dans le Bulletin de l’Association Francis Jammes, n° 29, de juin 1999.
Cahier I
Le Cahier I (de couleur orange) contient, successivement, les portraits graphologiques de Jean Moréas, Charles Lorrain et Blaise Pascal (parus dans Le Manuscrit Autographe n° 8, Mars-Avril 1927), de Robert de Montesquiou et Théodore de Banville (Le Manuscrit Autographe n° 10, Juillet-Août 1927), de Guy de Maupassant, Anatole France, et Jules Laforgue (inédits jusqu’à leur parution dans le Bulletin n° 29 de l’Association Francis Jammes), de Ferdinand Brunetière et Jean Richepin (Le Manuscrit Autographe n° 10). Suit une « Préface » (elle aussi inédite jusqu’en 1999) pleine de verve. Après avoir confirmé que ce fut la botanique qui le « fit verser dans la graphologie », abandonné à leur sommeil les spécialistes « au sein » de leurs jambages, répudié la dangereuse « graphologie de salon » et préconisé la prudence « mère de la sûreté » en graphologie comme dans tout le reste, Jammes entreprend de « guider les premier pas – du moins spirituels – de l’aspirant graphologue, jeune ou âgé »…
Cahier II
Le Cahier II (de couleur mauve) est daté : 3-4 mai 1927. Francis Jammes y expose de nouveau sa conception de la graphologie qu’il qualifie de « science divinatoire » et s’y livre à un exercice pratique. À la fin de ce Cahier, il se demande si son âge lui permettra jamais de faire réaliser l’analyse de sa propre écriture. Le Bulletin de l’Association Francis Jammes, n° 29, donne trois analyses graphologiques de Francis Jammes : la plus ancienne a pour auteur Denis de Rougemont et a paru dans le Mercure de France du 1er novembre 1913 ; la seconde date de 1972 et a été faite par Jacqueline Grossin à la demande du Père Jean-Pierre Inda ; la troisième a été réalisée par l’Association Pyrénéenne de Graphologie spécialement pour le Bulletin jammiste de 1999.
Cahier III
Le Cahier III (de couleur verte) commence par une liste, au crayon, des portraits graphologiques réalisés ou à réaliser. Suivent une quarantaine de portraits, dont ceux de : Chateaubriand, Bernardin de Saint-Pierre, Henri Bataille, Léon Bloy, Paul Bourget (sur papier bleu collé dans le cahier d’écolier), Jean Balde, Jacques Blanche, René Doumic, Maurice Rollinat, Jules Renard, Sully-Prudhomme, Jules Lemaître, louis Pasteur, André Chénier, François Coppée, Gérard d’Houville, J.-K. Huysmans, Émile Zola, Émile Verhaeren, Tristan Derème, Stendhal, Gabriele d’Annunzio, Marceline Desbordes-Valmore, Joachim et Marie Gasquet, André Fontainas (sur papier bleu comme Paul Bourget), Armand Godoy, Charles de Foucauld, Frédéric Masson, Gyp, Camille Jullian, Alfred de Musset, Alexandre Dumas Fils, Anatole France, Colette, Ramuz, Nietzsche… Guillaume II.
Bibliographie : 1/ Bulletin de l’Association Francis Jammes, n° 29, juin 1999. 2/ Mikaël Lugan, « Entre album et revue : Le Manuscrit Autographe (1926-1933) », La Revue des revues 2020/1 (N° 63), p. 52-69.